À don Cristobal de Mora
Toi arbre aux rameaux fortunés de qui
les nobles mûres sont écus royaux
teints dans le sang des loyaux capitaines,
non dans celui d'infortunés amants ;
sur ces terres tant dorées par le Tage,
tant honorées de ses eaux de cristal,
pair des sublimes palmiers tu t'élèves
plus haut que les lauriers ici dressés.
Ver à soie, que tes feuilles me nourrissent,
oiselet, que tes branches me soutiennent
et moi, pèlerin, m'abrite ton ombre !
Aux humains je tisserai ta mémoire,
taisant mon chant à la gloire d'autrui
et à ton temple vouant mon chemin.
1593
Luis de Góngora
Sonnets
Bernard Dumerchez, 2002
A don Cristóbal de Mora
Árbol de cuyos ramos fortunados
las nobles moras son quinas reales,
teñidas en la sangre de leales
capitanes, no amantes desdichados;
en los campos del Tajo más dorados
y que más privilegian sus cristales,
a par de las sublimes palmas sales,
y más que los laureles levantados.
Gusano, de tus hojas me alimentes,
pajarillo, sosténganme tus ramas,
y ampáreme tu sombra, peregrino.
Hilaré tu memoria entre las gentes,
cantaré enmudeciendo ajenas famas,
y votaré a tu templo mi camino.
Luis de Góngora