25 mars Le cerisier
à Jacqueline Duhême,
en pensant à Jacques Prévert
Le cerisier a mis des nœuds blancs dans ses cheveux le lilas du rose au bout de ses doigts
branches dessus branches dessous ils s'en vont au grand bal du printemps. |
Joël Sadeler
Trente-six chants d'arbres
Lo Païs, 2000
24 mars Secours sont fleurs en leur beauté
Celle qui m’a tant pourmené A eu pitié de ma langueur Dedans son jardin m’a mené Où tous arbres sont en vigueur
Clément Marot
*
J’ai scié le tronc du mimosa Mort de froid l’hiver deux mille douze Il faut bien mourir de quelque chose
Cinq ans après vertes repousses Ont donné ses nouveaux soleils Qui japonisent Et donnent la réplique Aux blancs sans faille de l’amandier
Fenêtres ouvertes sur fond d’azur Petits secrets d’un lieu Où à travers ses arbres de février Nous oublions nos déconforts Et nos Regrets Secours sont fleurs en leur beauté |
Jean Jacques Dorio
23 mars Le silence merveilleux
(l'aller)
Voici un grand oiseau
peut-être le plus grand oiseau du monde
et peut-être le plus vieux
il vire dans le brouillard
il ne voit plus les fils d'argent des rivières
à la bordure des champs
comme il s'enfonce dans l'inconnu
qui est son beau miroir
(le retour)
il y avait une fois un arbre d'or
qui éclairait la fenêtre et le ciel
il y avait des arbres vivants
avec des mains vivantes
Emmanuel Moses
Figure rose
Flammarion, 2006
22 mars
Qui se souviendra que la cerise fut une fleur ?
Qui dira que l'arbre fut un bouquet qui dépassa l'entendement du monde ?
N'est-il pas de tocsin pour nous avertir de cette mort qui vient par la beauté ?
François Jacqmin Les Saisons Éditions Labor, 1988
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21 mars Que ce monde demeure
Je redresse une branche
Qui s'est rompue. Les feuilles
Sont lourdes d'eau et d'ombre
Comme ce ciel, d'encore
Avant le jour. Ô terre,
Signes désaccordés, chemins épars,
Mais beauté, absolue beauté,
Beauté de fleuve,
Que ce monde demeure,
Malgré la mort !
Serrée contre la branche
L'olive grise.
Yves Bonnefoy
Les planches courbes
Gallimard, 2006
20 mars Le vieil amandier
Je me demande ce que veut
Cet amandier qui me fait signe :
Au-dessus des ceps de la vigne
Il est blanc et rose et crémeux.
On dirait qu'il n'en revient pas
De porter parure aussi belle.
Croit-il déjà qu'il démantèle
Les créneaux venteux des frimas ?
Indifférent à saint Gervais,
À saint Mamert, à saint Pancrace,
(Tels sont les noms des saints de glace)
Il dit « Faites ce que je fais. »
Il dit au pêcher : « Qu'attends-tu
Pour me rejoindre à l'avant-garde ?
En bas, cette vigne retarde :
Le temps du courage est venu. »
Courage ou bien témérité ?
Je l'admire et hoche la tête.
Cette couronne est une fête
Que se donne un chef menacé.
Pierre Menanteau
au rendez-vous de l'arc-en-ciel
Les éditions ouvrières, 1981
19 mars Ôde au prunier
Nishizawa Tekiho |
Décembre 1962
Sur la mélodie de « Prophétie »
Vent et pluie : départ du printemps Une poudrerie de neige accueille son retour ; Falaise de mille pieds recouverte de glace Là cependant, une branche fleurie offre sa grâce.
Sa beauté ne la fait pas rivale du printemps Mais n'en est rien d'autre que la messagère Quand la montagne sera en pleine floraison Elle sera, au milieu, comme un sourire. |
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Mao Tse-Toung Poésies complètes Seghers, 1976 |
18 mars En Sologne
Forêt givrée, forêt gelée je te redécouvre
après une longue désertion. Tu es figée
de peur d'altérer l'éclat de myriades de petits cristaux
qui font ta magnificence
mais je te reconnais. Jamais tu ne parus plus belle
et plus lointaine rêve d'un soir de fête où luxe solitaire
tu te plais à jouir de ta seule beauté.
Christiane Bertand
Mauves
Les Presses du Massif Central, 1979
17 mars
Un tremble c'est le nom du peuplier blanc, luisance furtive.
Éclairs des feuilles
leur vie scintille
instant après instant elles chuchotent que nous avons aussi des moments miroitants minuscules, étincelantes traces de nous sur le monde.
Marie-Claire Bancquart Violente vie Le Castor Astral, 2012
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Vincent Fostat Nice, 1880 |
16 mars La forêt tropicale
Vierge et libre forêt où vibrent les splendeurs
Du ciel sur les beautés éternelles de l'Arbre,
De gigantesques troncs, piliers de sombre marbre,
Supportent dans l'azur ta coupole de fleurs.
Loin des souffles impurs qui souillent dans les villes
Les floraisons des marronniers et des tilleuls,
Loin des coteaux pareils où les vergers utiles
S'alignent réguliers, nostalgiques et seuls,
Tu dresses dans des flots indomptés de lianes,
Sur le déferlement farouche des savanes,
Les mâts vertigineux de tes arbres de fer.
Et, dans l'embrasement des aurores sublimes,
Quand des vols d'oiseaux d'or s'échappent de tes cimes,
Ton hymne triomphal gronde comme la mer.
Daniel Thaly
Poèmes choisis
Casterman, 1976
15 mars Ô bel arbre
Ô bel arbre qui, de branche en branche Fait peser et ployer ton feuillage, Tisse la voûte de ta cime Autour du vieux tronc rudement dressé Et tamise un soleil luxuriant et changeant Qui plonge largement sur ton torse de bronze,
Qui sent s'alourdir de hauts bouquets L'éventail déployé de ton feuillage Et rôder alentour un pénétrant parfum. Tu vois sur son arête où filtre le soleil Glisser une lumière tendrement caressante Qui s'attiédit en cercles autour de ton faîte.
Châtaignier, selon le voyage Montant, hésitant, la tombée indécise Du jour et de l'heure encercle Ta totale envergure, car toi, pieux et tendre, Tu berces tes branches qui, allant et venant Mesurent la profondeur de mon souffle.
Dans la maison fraîche et obscure Pleine d'un silence attentif, le chant de doux oiseaux S'apparie à son propre murmure Comme ma craintive opulence S'insinue en pieuse pureté Dans un brillant cortège d'étranges images.
Ô bel arbre, beau châtaignier Puissé-je affronter comme toi Les jours dans une grâce souveraine — Moi qui, né pour une même beauté, Doué d'un même amour et d'un pareil éclat, Me trouve si misérablement seul...
Karel Van de Woestijne L'ombre dorée et autres poèmes Traduction par Marcel Lecomte et Georges Thinès La Différence, 1993 |
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Gustav Klimt, Tree of life, 1905 |
O Schoone boom
O Schoone boom die branke aan branke, uw loovren wegen laat en wanken, en't welven van uw krone weeft om't bonkig staan van de' ouden tronk, en, breed over't bronzen lijf gezonken, er wissel-weel'ge zonne om zeeft ;
die't breiden uwer waaier-blaêren van trossen hoog gebloemt bezwaren en zwoel van reuk omwaren voelt, en ziet hun zon-doorzegen zijde van teeder-streelig licht beglijden dat kringend om uw kruine zoelt ;
kastanjelaar, alnaar de reize, bij rijzen, dralen, dalend dijzen van dag en ure, in vollen vaêm omkringt u; daar ge, vroom en teeder, uw branken wiegt die, weg en weder, de diepte meten van mijn aêm ;
en binnen duister-koelen huize vol luister-stilte, aan eigen suizen den zang der zoete vooglen paart, gelijk mijn eigen schroom'ge weelde een schoone stoet van vreemde beelden in vroome zuiverheid door-vaart ; —
o Schoone boom kastanjelare, mocht ik de dagen tegen-staren als gij : in heerschende genâ ; — ik die, tot zelfde schoon geboren, met eendre liefde en eendre glore, zoo moederziel-alleene sta... |
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14 mars L'arbre en fleurs
La nuit de la floraison,
en une seule heure de plénitude qui ne se répètera jamais
il fleurit et reste en sa beauté
comme un feu qui ne brûle pas,
dans une flamme légère et précieuse.
Cette beauté entière
parfaite dans son ordre, jaillissante,
comme elle est pitoyable dans sa douce majesté, sa générosité,
son pardon.
Elle a les gestes sûrs d'une jeune reine,
d'une jeune mariée dans une salle claire parmi les visages tendres
et amusés de ses cousins.
Mais nous, debout sous l'arbre,
nous qui ne pouvons sourire,
nous ne sommes pas seuls cette nuit-là.
Car frémissant dans l'adoration de cet épanouissement insolite,
cette quintessence de plusieurs jours et de tout l'être :
racines, fibres, nerfs,
nous sentons qu'à côté se dresse
le Temps.
Anna Świrszczyńska
Cahiers bleus n°3, 1991
François Augiéras
Petit arbre rond
Huile sur carton, circa 1957
13 mars La branche d'amandier
De l'amandier tige fleurie,
Symbole, hélas ! de la beauté,
Comme toi, la fleur de la vie
Fleurit et tombe avant l'été.
Qu'on la néglige ou qu'on la cueille,
De nos fronts, des mains de l'amour,
Elle s'échappe feuille à feuille,
Comme nos plaisirs jour à jour.
Savourons ces courtes délices,
Disputons-les même au zéphyr ;
Épuisons les riants calices
De ces parfums qui vont mourir.
Souvent la beauté fugitive
Ressemble à la fleur du matin,
Qui du front glacé du convive
Tombe avant l'heure du festin.
Un jour tombe, un autre se lève ;
Le printemps va s'évanouir ;
Chaque fleur que le vent enlève
Nous dit : « Hâtez-vous de jouir ! »
Et, puisqu'il faut qu'elles périssent,
Qu'elles périssent sans retour !
Que les roses ne se flétrissent
Que sous les lèvres de l'amour !
COMMENTAIRE
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Un jour, en revenant de Terracine à Rome, je m'arrêtai à Albano. C'était au mois de février : les collines étaient roses de fleurs de pêchers et d'amandiers. Une jeune fille de Laricia, village voisin d'Albano, passa auprès de moi ; et, détachant de sa tête une couronne de ces fleurs que ses compagnes lui avaient tressée, elle me la jeta en me souhaitant bonheur. Elle était plus belle que ce printemps et plus rose que ces fleurs. Je pris le rameau en souriant, et je l'attachai à la voiture. Le soir, j'écrivis au crayon ces strophes. Arrivé à Paris, je les donnai à une charmante jeune femme, pour qui ces vers furent un triste présage : elle mourut dans l'année. C'était madame de Genonde. |
Alphonse de Lamartine
Œuvres
Éditions Lemerre
Mireille - La vision du poète
Carte postale
Original au Museon Arlaten, Arles
12 mars Pour tout vivre sans fin
J'ai su que toute parole
était recueillement
lorsque j'ai vu la danse des fleurs,
le corps des fruits,
le livre ouvert du feuillage.
Vert si proche
que mon regard s'embue de rosée,
vert ami
où s'enracine ma joie.
La foi brute est ce goût d'herbe
sur la langue,
et l'heure qui saignait
réapprend la souche du jour.
L'arbre écoute.
Tapi contre le cœur de l'oiseau.
L'arbre écoute.
La vie est là.
La parole est là.
J'esquisse une demeure
où poser sa faim, sa fatigue.
Avec du ciel dans les yeux
j'attends que revienne
la nudité première.
Instant de beauté crue.
Pour tout vivre sans fin.
11 mars
Photographie : ETIENNE |
Un alphabet magique | Un magico alfabeto |
Parler des cerisiers éclatants de juin, de l'abondance de trilles que leurs troncs soutiennent, de leur verdeur rayée par des vols en point de piqûre, de cette beauté faite de feuilles, de ciel, de cerises, de soleil et de musique ; mais sans parler ni de cerisiers ni de juin ni de la multitude des trilles : parlant de ta vie (qui est la vie), disant ton cœur (qui est tous les cœurs) en un alphabet magique de cerisiers et de juins. |
Hablar de los cerezos encendidos de junio, del congreso de trinos que sus troncos sostienen, de su verdor rasgado por vuelos en pespunte, de esa hermosura hecha de hojas, cielo, cerezas, sol y música; pero sin hablar de cerezos ne de junio ni de la multitud de los trinos: hablando de tu vida (que es la vida), diciendo tu corazón (que es todos los corazones) en un mágico alfabeto de cerezos y junios. |
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Miguel d'Ors
Poésie espagnole 1945-1990
Anthologie par Claude de Frayssinet
Actes Sud, 1995
10 mars L'arbre et le soleil
L'arbre et le soleil ne font plus qu'un
le soleil d'écorce emporte sa flamme jusqu'aux dernières aiguilles du pin flambant dans le bleu absolu devenu feu
c'est l'arbre-soleil avec ses branches éclatantes de soleil noir ses aiguilles-soleil ses racines-soleil sa sève sa nuit ruisselantes de soleil
beauté foudre vivante plantée en un lieu
impossible à rejoindre défendue par le feu
absolument isolée
je la regarde d'une autre rive et pourtant la reconnaît à l'instant où elle m'aveugle
nuit adorable de ce monde beauté sans feu ni lieu
dont le désir bienheureusement me garde séparé.
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Jean Mambrino
Sainte Lumière
Desclée de Brouwer, 1976
Zao Wou-Ki |
9 mars La beauté
La beauté soudain fait silence dénoue les mains dessille les yeux Un visage un ciel un arbre qui danse Splendeur muette vibration De vie autre La beauté parfois nous méduse
Jacqueline Saint-Jean Solstice du silence Éditions Alcyone, 2017 |
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