28 mars
Même si le monde croît encore,
même si, sous l'écorce, la vie se renouvelle
et dure,
le rêve si souvent est suspendu,
et c'est dans l'éphémère
que tu murmures encore.
L'arbre se lève
et le jour,
partons !
à l'heure première,
puisque une sève nous porte,
puisque toujours la nuit se pose
sur le feuillage de l'être
et la mort,
noire lumière
qui brûle les instants.
Même si le monde croit encore,
tu bois le silence
et le vent qui balance
les certitudes.
La vie s'élève ou tombe ?
Quand pardonneras-tu ?
Éric Sivry
Revue " Phréatique "
25 mars Les fleurs du saule
Les fleurs du saule sont semblables aux flocons de neige ;
Comme eux, elles n'ont point d'intention arrêtées :
Elles ne se soucient pas de savoir où elles se reposeront ;
Elles suivent seulement le vent qui les entraîne.
Yuan Tsen-Ts'aï
1716-1797
24 mars Sous les platanes - Romance catalane
Quand vient la saison printanière,
Sous le beau ciel de Perpignan,
1er couplet
Les Catalans pour se distraire,
Recherchent les coins attrayants,
Mais de tous celui qu’ils préfèrent,
À l’heure où le soleil descend,
C’est les platanes centenaires,
Le rendez-vous le plus charmant ;
Quand souffle la brise des nuits,
Les promeneurs viennent sans bruit…
Refrain
Sous les jolis platanes blancs de Perpignan
Quand revient le printemps, ah ! c’est charmant,
Les couples d’amoureux, s’en vont le cœur joyeux,
Cherchant les coins ombreux pour s’aimer mieux.
Ah ! qu’il fait bon se promener au clair de lune,
Blondes et brunes aux yeux troublants,
Le bonheur règne dans les cœurs quand revient le printemps,
Sous les platanes blancs de Perpignan.
2ème couplet
Mais bientôt la ville est en liesse,
C’est l’époque du Carnaval,
Les jeunes gens pleins d’allégresse,
Dans le Corso ouvrent le bal.
Avec les belles Catalanes,
Qu’ils tiennent gaiement par le bras,
Ils dansent rondes et sardanes
Au son joyeux d’une cobla ;
Les tambourins, les violons, entraînent les gais tourbillons…
Refrain
3ème couplet
Les beaux jours comme la jeunesse,
Passent trop vite au gré de tous,
Sous les platanes en détresse,
L’hiver pourtant y paraît doux.
Et quand parfois le soleil pose,
Sur leurs branchages effeuillés,
Un chaud rayon teinté de rose,
Les bons vieux vont s’y réchauffer !
En souvenir de leurs vingt ans,
Ils fredonnent tout doucement…
Paroles de Carolus
Musique de Carolus et d’Abel Monestès
Astaffort, Éditions la Gascogne, 1930
La Promenade des Platanes, Perpignan
22 mars
Cerisiers en fleurs
la joie de les contempler
avant les noyaux
Hubert Haddad
Les Haïkus du peintre d'éventail
Zulma, 2013
20 mars Sur-végétal
Existe-t-elle la matière avant de recevoir
à profusion la vie, de la racine à l’écorce
la voix se met à trembler dans les veines
et le noyau s’éclate aux lisières des feuilles
animées d’impulsions primitives, de rythmes
ordonnés aux forces maternelles, à l’ébranlement
mystérieux des formes en voie de naître
à la source immobile où l’espace s’innerve…
Infimes particules fluides du pouvoir
créateur, libres de s’étonner, en symbiose
invisible avec le lieu où l’étoile du sang
cherche un point fixe à la fleur de la sève
souffrant dans sa lueur l’eau de son firmament.
Dans une relation choyée de résonance
la lumière en naissant éclaire sans brûler
le visage de l’arbre à la vitre éphémère…
Pierre-Bérenger Biscaye
Klee pour la poésie
Parcimonieusement garni de feuilles
Presses universitaires de Bordeaux, 1991
Paul Klee
Park near Lu., 1938
Zentrum Paul Klee, Berne
19 mars Renaître de l'arbre
À Claire Delannoy.
Renaître de l'arbre
De corps et d'Esprit
Qui pèse l'obstacle
Bientôt le franchit
Semer des clarines
À flancs de coteaux
Chercher sous l'ormeau
La source qui brille
Et boire haletant
L'eau de son lignage
Où bouge un nuage
Où passe un pinson...
Quel étrange monde
Que celui des arbres
Où tremble le Songe !
Quel étrange monde
Que celui des hommes
Que l'homme féconde !
Comment vivre vrai
Quand l'âme nous pèse
Et qu'un cri de sève
Ferme la forêt ?
Comment vivre vrai
Si Dieu n'est qu'un rêve
D'arbre sous la neige
Où l'oiseau se tait.
Charles Le Quintrec
Terre Océane
Albin Michel, 2006
18 mars Visages du retour
Une feuille qui tombe
et la grande peur dans l'arbre commence
et la terre tremble dans ses racines
l'été vint y mourir et l'hiver s'y perdit
une feuille qui en dit long sur nos souffrances
une feuille qui se lit
elle était aux pieds du passant pour qu'on devine
la nuit une autre feuille tomba qui vint la contredire
une histoire à redire
quand la troisième feuille viendra
quand toutes les feuilles mortes
ouvriront l'arbre à tous les regards
ouvriront toutes les portes
sur le départ.
Jean Cayrol
Poèmes de la nuit et du brouillard
Seuil, 1995
17 mars La feuille
Comment, si tu es le seul reflet des saisons,
et changes de couleur, lentement, délicatement,
peux-tu te montrer si fragile,
ô jolie feuille,
pour tomber sur le sol pavé afin que te piétinent
les amants inconnus du soir ?
(Carte du temps, 1989)
Miguel Barnet
Poésie cubaine de XXè siècle
Traduction de Claude Couffon
Patiño, 1997
La hoja
¿Cómo si eres el reflejo único de las estaciones,
y cambias de color, lenta y delicadamente,
puedes con tal fragilidad,
oh bella hoja,
caer al pavimento a que te pisen
los amantes ignotos de la tarde?
(Mapa del tiempo,1989)
16 mars Le cerisier
à Didier Jourdren
Le cerisier a refleuri
dans le jardin
et c'est alors soudain
comme s'il brûlait
depuis toujours et à jamais.
Mais tout autour s'étend
l'espace encombré du cœur.
Nous le voyons
montant de la terre
et s'y tenant enraciné
quand nous — ici — sommes jetés
dans l'illimité.
Et il demeure là-bas
— chose du monde mais lointaine —
offert à tous et fleurissant
pour rien, pour personne
— mais fleurissant !
Ce qu'il éclaire c'est notre absence
et cette façon de toujours perdre
ce à quoi nous tenons.
Oublierait-on les bornes de l'espace
et les signes du temps, qu'il viendrait
peut-être fleurir en nous.
Mais nos yeux d'exilés le quittent
et il disparaît de l'horizon
où, à peine posés, nous continuons d'aller
de biais dans un temps sans saison.
Nous n'aurons su qu'un court instant
lui accorder asile dans nos regards
ouverts à tous les vents,
où passe, irrémédiablement,
ce qui s'en va de notre vie,
S'il est un arbre qui soit nôtre
c'est celui, vaste et nu, de la mort.
Être — cela nous l'ignorons.
Nous sommes mourant sans cesse
et nulle neige ne peut jamais
pour nous renaître en feu.
Jean-Paul Hameury
Exils
Folle Avoine, 1995
15 mars La branche
Elle a vécu la branche Le temps d'une saison Elle a vécu la branche Le temps d'une moisson Elle s'est cassée soudain Cassée dans le grand vent Et puis sur le chemin Elle gênait les passants.
Elle a fleuri la branche Le temps d'une saison Elle a fleuri la branche Tout près de la maison Les oiseaux qui passaient Se posaient un instant Moi, je la regardais C'est fini maintenant
Elle est morte la branche Un matin de grand vent Un matin de dimanche Sans revoir le printemps Je ne reverrai plus Ses rameaux rose et blanc La branche n'a vécu Que le temps d'un roman.
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Anne Le Bars Brise de mer Anthologie 1971-1996 Liv'Éditions, 1997 |
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14 mars Paroles d'univers
Qui vive ?
L'arbre l'oiseau le nuage
Et toi qui es tout cela
Dans le mystère
Sans nom ni voix
Avant de quitter la terre
Prends le risque de chanter
L'arbre l'oiseau le nuage
Tes fragiles vérités
*
Dans le secret des choses :
Le cri menu de l'herbe
Le souffle frêle
Des nouveau-nés
Le cerisier en fleurs
La danse des abeilles
Tout ce qui bat
Sous le soleil
Le sang de l'univers
Source étoilée
Anne Goyen
Arpa, Revue de poésie
N°129-130, 2020
Simon Beck
Toile éphémère sur la neige
Les Arcs
13 mars Destination : arbre
Parcourir l'Arbre
Se lier aux jardins
Se mêler aux forêts
Plonger au fond des terres
Pour renaître de l'argile
Peu à peu
S'affranchir des sols et des racines
Gravir lentement le fût
Envahir la charpente
Se greffer aux branchages
Puis dans un éclat de feuilles
Embrasser l'espace
Résister aux orages
Déchiffrer les soleils
Affronter jour et nuit
Évoquer ensuite
Au cœur d'une métropole
Un arbre un seul
Enclos dans l'asphalte
Éloigné des jardins
Orphelin des forêts
Un arbre
Au tronc rêche
Aux branches taries
Aux feuilles longuement éteintes
S'unir à cette soif
Rejoindre cette retraite
Écouter ces appels
Sentir sous l'écorce
Captives mais invincibles
La montée des sèves
La pression des bourgeons
Semblables aux rêves tenaces
Qui fortifient vos vies
Cheminer d'arbre en arbre
Explorant l'éphémère
Aller d'arbre en arbre
Dépistant la durée.
Andrée Chedid
Poèmes pour un texte
Flammarion, 1991
12 mars Les arbres enfants
Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants
Charles Baudelaire (Correspondances)
Mathis mon petit-fils devint, à sa naissance (28/02/2016) est un
mimosa (jaune comme sur les toiles de Pierre Bonnard.)
Alice, fille de mon autre fille (02/02/2022), est ce cerisier du
Japon, qui montre déjà un mois après sa rituelle plantation, ces
premières fleurs blanches.
Les arbres des deux sœurs mères, mes filles bien-aimées,
furent un pommier et un tilleul plantés dans un jardin d’Ariège
dont je n’ai plus la clé.
Ainsi sont les arbres de notre micro-histoire qui dans la forêt
des fables et des symboles font entendre leurs paroles
familières, éphémères couleurs d’éternité.
Martigues 06/03/2022
Jean Jacques Dorio