Au coeur des arts...
Mon ancêtre, dit le Mobile, c'est l'Arbre Mené par le vent. (...)
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Henri Pichette
Calder
Maeght Éditeur, 1992
Calder Mobile |
Les arbres...
Jean-François Marc
Petit étang (format 150 X 150)
Les arbres ne souffrent plus
Des maux de la terre
De la racine de leur courage
Leurs tourments élevés aux cimes
Ont pris le goût de vivre leur poème
Sans cesse renouvelé
Ils mettent le prix qu'il faut
Pour oindre chaque feuille
D'une sève royale dont l'arôme
Fait solfier les oiseaux
Frank Holden
Au pas des arbres
José Millas-Martin, 1969
Bois de mer
Patrick Nicol
Couleurs de l'Aven
Bois de mer.
Bois naufragé.
Bois perdu et bois rejeté.
Bois tiré sur la plage,
bois de misère, à tout le monde,
à personne.
Bois brûlé dans la cabane des pêcheurs
bois de flammes
qui fait monter dans l'ombre
une forêt perdue.
Yves Heurté
Bois de mer
Manier-Mellinette éditeur,1986
Chanson XIV (extrait)
Léon Spilliaert
Lithographie, 1917
Les trois sœurs ont voulu mourir
Elles ont mis leurs couronnes d'or
Et sont allées chercher leur mort.
S'en sont allées vers la forêt :
« Forêt, donnez-nous notre mort,
Voici nos trois couronnes d'or. »
(...)
Maurice Maeterlinck
Serres chaudes, suivies de Quinze chansons
1900
Arbre de joie
Nicole Proulx Arbre de joie |
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Arbre qui sait faire La part au ciel La part au sable
Arbre qui sait écrire Les rêves de la sève
Arbre qui sait attendre Que s'écarte l'hiver
Arbre qui sait Dessiner l'hiver
Arbre comme espoir.
4 novembre 84. |
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Marie-Claude Caiserman Arbrerie Océanes, 1985 |
Voyez cet arbre gris. Le ciel a pénétré
par ses fibres jusque dans le sol —
il ne reste qu'un nuage ridé quand
la terre a fini de boire. L'espace dérobé
se tord dans les tresses des racines, s'entortille
en verdure. — De courts instants
de liberté viennent éclore dans nos corps, tourbillonnent
dans le sang des Parques et plus loin encore.
Tomas Tranströmer
Œuvres complètes (1954-1996)
Traduit du suédois par Jacques Outin
Le castor astral, 1996
Sally Buchanan
Gladstone Park tree
Arbres géniaux sans logique
Ҫa rime à quoi
de lire sa vie
dans les feuilles d'olivier
quand on est né sous un hêtre ?
Ҫa rime à quoi
de s'asseoir avec Giono
dans la mousse du Septentrion
pour lire loin des garrigues le Poème de l'olive ?
Ҫa rime à quoi
d'embrasser du regard
toutes les directions
en s'imprégnant de diversité ?
Ҫa rime à rien
Aux arbres on ne demande pas de logique
En mélangeant leurs racines
hêtre et olivier multiplient les ombres tutélaires
La poésie s'arrange mieux
de totems que de rimes
Lesneven, 2008
Olivier Cousin
Sous un ciel sans paupière
La Part Commune, 2010
Giuseppe Penone
The Hidden Life Within
Musée des beaux-arts de l'Ontario
Le bouleau
Tige de lune, ailé bouleau,
Çà, là, barré de bancs de brume,
Roulant tes feuilles qui s'allument
À la dérive, ronds dans l'eau,
Portant sur rien ton front de plume.
Les monts lointains qui se dévident,
Le ciel, par bribes, blanc ou bleu,
Abrite-les, arbre frileux,
Et la rivière où l'eau se ride
Sous tes rideaux où le jour pleut.
Hélas, sourire sans visage,
Blondeur sans femme, corps confus
Vêtant la nudité d'un fût,
Ô toi semblable, bouleau sage,
À la saveur de ce qui fut.
Lanza del Vasto
Le chiffre des choses
Denoël, 1972
Isabelle Tanguy
Forêt bleue 2
Regard de Anne Tronche sur Lindström
Un visage naissait du vert. Était-ce bien du vert ?
Dans l'épaisseur ouatée de la pâte, quelques larmes bleuissantes pouvaient en faire douter.
Un visage naissait du vert, s'arrangeant avec du bleu, en raison de la vulnérabilité des apparences. Les pinceaux balayaient la toile, y creusaient des sillons hâtifs où, parfois, un blanc passager trouvait en tremblant un refuge.
Un visage naissait du vert, du poids douloureux de quelques bleus cachés, de la danse hésitante d'un blanc crémeux. Déja un regard s'apprêtait à vivre, un peu de bleu accueillait l'intention. Un pinceau aux véhémences rouges réveillait le souvenir d'une joue, s'appuyait sur l'ombre noire d'une chevelure, appelait en glissant le mouvement d'un livre.
Dans cette nuance de précision contrariée le regard interrogeait le modèle, en espérant se reconnaître dans ses doutes.
Des bourgeonnements de pâte répétaient çà et là des rythmes tachycardiques, lointains échos d'une vie secrète qu'habituellement le miroir annule.
Un visage était né du vert et, avec lui, quelque chose d'autre que les paupières baissées du modèle ne pouvaient plus dissimuler.
Lindström
À un rythme saccadé, des pinceaux pendaient l'espace pour perdre sur un tamis leur surcharge crémeuse. Le modèle y voyait des restes de visage, des fragments de derme ; une matière confuse née de l'inerte et, cependant nourrie du sang de la peinture.
Le visage, né du vert, s'appuyait maintenant de biais sur une plage de vert qui le prolongeait ; sur un tumulus rouge qui l'invitait à oublier la sérénité.
Le visage avait choisi l'asymétrie.
Il avouait que le monde était instable, que ses lois étaient prévisibles.
Parfois, entre les mouvements rapides du pinceau, il pensait à la forêt, se souvenant principalement de l'ombre que les feuilles en bougeant y organisent.
La forêt lui était familière. Il était né du vert. |
Anne Tronche
Revue Artère n°20, 1985
L'arbre en ville
La ville où je vis en exil est entre les villes une bonne ville — on
dit même qu'elle est belle. Pourtant elle n'est qu'une ville sans
forêt sans colline sans prairie, sans champ ni vignoble, sans
ferme.
Cette fois je console un arbre prisonnier d'une grille — tant des
siens m'ont toujours aidé partout où mes pas m'ont porté.
Daniel Biga
Le poète ne cotise pas
à la sécurité sociale
Le Castor Astral, 2003
Raymond Queneau
Gouache