Lueurs du verger Les arbres me fêtent
Comme un souffle d'ailes Subjugue l'humus
Douceur du verger Brise dans les feuilles
Sur la branche morte Surgit rouge-gorge
Ses pizzicati À l'âme suffisent
Silence des arbres Verger de l'enfance.
Jean-Pierre Boulic Un petit jardin de ciel La Part Commune, 2011 |
En ce temps-là mon foyer était un jardin
je suivais le seul feu de mes voisins arbres
le goyavier imitait pour moi l'éléphant
je voyageais sur son dos aussi loin
que le permettait le manguier
qui se méfiait des animaux trop amicaux
l'oranger partageait avec moi des pastèques
le tamarinier était un oncle
qui racontait des histoires de cyclones fabuleux
le quenêpier pour me plaire
mettait un singe à chacune de ses branches
tandis que le bananier changeait son régime en
volée de perroquets
l'acajou-enfant me révéla un matin :
— lorsque je serai grand je confierai mon bois
aux mains d'une fée qui fabrique des pianos.
René Depestre
Rage de vivre
Œuvre poétique complète
Seghers, 2006
On n'est pas n'importe qui
Quand tu rencontres un arbre dans la rue, dis-lui bonjour sans attendre qu'il te salue. C'est distrait, les arbres. Si c'est un vieux, dis-lui «Monsieur». De toute façon, appelle-le par son nom : Chêne, Sapin, Bouleau, Tilleul... Il y sera sensible. Au besoin, aide-le à traverser. Les arbres, ça n'est pas encore habitué à toutes ces autos. Même chose avec les fleurs, les oiseaux, les poissons : appelle-les par leur nom de famille. On n'est pas n'importe qui ! Si tu veux être tout à fait gentil, dis «Madame la Rose» à l'églantine ; on oublie trop qu'elle y a droit. |
Jean Rousselot
Du blé de poésie
Le dé bleu, 1997
Au jardin des cyprès je filais en rêvant,
Suivant longtemps des yeux les flocons que le vent
Prenait à ma quenouille, ou bien par les allées
Jusqu’au bassin mourant que pleurent les saulaies
Je marchais à pas lents, m’arrêtant aux jasmins,
Me grisant du parfum des lys, tendant les mains
Vers les iris fées gardés par les grenouilles.
Et pour moi les cyprès n’étaient que des quenouilles,
Et mon jardin, un monde où je vivais exprès
Pour y filer un jour les éternels cyprès.
Guillaume Apollinaire
Les Visages de la vie, n°6, 1909
sous la signature Louise Lalanne
Il ne peut pas mourir...
Gilles Brulet
Jean-Claude Touzeil
Les loups donnent de la voix
Illustré par Patrick Guallino
SOC et FOC, 2004
Une forêt fort peureuse...
Une forêt fort peureuse
panique à la vue du soir
tout l'angoisse
les cris des chouettes
le regard de la lune
son sourcil reflété par le lac
Le frêne craintif s'emmitoufle dans son écorce
et retient sa respiration jusqu'au matin
le sapin essuie sa sueur
et appelle à son secours son cousin le pin parasol
la tête entre les genoux
le saule pleure toutes ses feuilles
et fait déborder l'étang
le roseau son voisin
l'entend supplier le ver luisant d'éclairer les ténèbres
Seul le chêne garde sa dignité
agenouillé dans son tronc
il prie le dieu de la forêt de hâter l'arrivée du jour
Vénus Khoury-Ghata
La voix des arbres
Le cherche-midi éditeur, 2001
Courir...
Les rides d'un vieux tronc suffisaient à ma joie l'écho ténu des gravillons réfractait l'éclat de mes pas
Tout ce qui passait était bon à prendre même un restant de lune entre les toits penchés
Même un filet de voix tendu sous l'écorce.
François-Xavier Maigre Dans la poigne du vent Éditions Bruno Doucey, 2012 |