19 mars L'arbre
| Entre les racines d'ombre Et la chevelure d'air Tête en terre terre au ciel À mi-corps Apparent et caché Un nœud Où tournent enlacés Le désir que tu as de moi Et mon désir d'aimer
Je t'ai aimé arbre qui me ressemble Toi qui refusas la cime Pour mieux étendre Tes bras d'asile Où viennent se reposer Les colombes et les cygnes— Toi qui t'inclines Vers moi qui suis venu Aimanté par ton ombre Parce que j'ai reconnu Tes fibres où monte L'eau embrasée de la sève divine | |
Ephraïm Mikhaël L'offrande du cœur Éditions Saint François de Sales, 1982 |
18 mars L'arbre l'hiver
L'arbre l'hiver se tient noir fossile ardent du soleil. Ligneux, lent, terre le feu prenant corps.
Sourd, l'éclat tous les rayons rentrés sans révolution ni sans que se propage la clarté du ciel dedans, depuis le tronc.
Droit se tient l'hiver un arbre où se concentre la lumière.
Judith Chavanne Entre le silence et l'arbre Gallimard, 1997 |
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17 mars Bouleau à midi
dans l'ardeur de midi
soudain
isolé
fortement
le bouleau —
éclatant — comme quelque Évangile :
(autosuffisant — ne dérangeant
personne) —
s'ouvrant — constamment :
se feuilletant d'un bout à l'autre :
(tout — « en Dieu »)
1997
Guennadi Aïgui
Toujours plus loin dans les neiges
Traduit du russe par Léon Robel
Éditions Obsidiane, 2005
16 mars Feu et froid
Or c'est par le Feu que tout vient que tout
est venu avant la Nuit il y avait
déjà le Feu le Froid n'est venu que plus tard
avec les hommes
quand ils ont commencé de brûler les arbres…
Roland Nadaus
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Genowefa Pawlak Explosion IV |
15 mars Le toit de pluie
Une fille forestière hante ma mémoire
les lys venaient s'endormir dans son corps
flamme d'or, vacillante, dans le miroir
la nuit la tenait par la main.
La nuit
elle lisait dans les arbres le destin.
La nuit
elle disait la tendresse de l'eau multipliée.
La nuit
elle allait, abîmée,
le corps brûlé par ardence d'amour.
Danièle Auray
Le sang du silence
Éditions Subervie, 1982
14 mars
| Au bûcher de l'aube l'arbre brandit son poing blessé éclaboussant le ciel du sang noir de la terre.
Claudia Adrover-Sendra Le moi dormant 1984 |
Louis-Marie Faudacq Musée d'Art et d'Histoire de Saint-Brieuc
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13 mars
Ferdinand Chaigneau Musée des beaux-arts de Rennes |
Ce crépuscule est bien un feu qui s'est allumé sans bruit dans les arbres, cependant qu'à leurs pieds l'herbe devient peu à peu de l'ombre, de la nuit. (C'est là que l'on pourrait trouver les abreuvoirs pour les disparus, leurs berceaux, leurs litières.) Cela brûle donc sans crépiter dans les arbres, c'est plutôt de l'or épars et un tremblement de bougies ; ce sont plutôt, pour un moment, des candélabres. Là au-dessus, le ciel s'épanouit en pétales à peine jaunes. Il m'apparaît soudain, au-dessus de ce socle ouvragé, immense. Jamais sans doute je ne l'avais vu aussi vaste, aussi grand ouvert. Toute la place qu'il y a là pour le regard, pour le souffle ! Assez d'espace pour que tous les morts s'y retrouvent sans étouffer, à jamais. |
Philippe Jaccottet
Après beaucoup d'années
Gallimard, 1994
12 mars
Instant d'embellie : sur l'arbre nu, un rayon en averse jaune. |
Marie Népote
Les toits me le disent
2012
11 mars
Bernard Lorraine
Le Jardin Secret des Poètes
Les Éditions ouvrières, 1984
10 mars L'arbre ébloui
L'arbre à l'ombre en forme de lyre où s'enferment les brebis au frottement de l'azur s'accroît d'une flamme à sa mesure exacte
Dans les accrocs de ce feu noir la lumière s'exaspère crépite se multiplie lumière partout ailleurs immobile et sans preuve qui soudain s'en prend au regard
Le vent tisonne au sein de cet essaim de guêpes
Ainsi vêtu faisant de ses blessures écorce d'apparat et couronné d'oiseaux — non d'ailes mais de serres — le vieil illuminé se veut prophète de son ombre
Autour de lui le temps se tait Les brebis mâchant leurs dents inusables rêvent d'un sommeil sans issues.
Serge Wellens La concordance des temps Éditions Folle Avoine, 1986 |
Simone Baltaxé Le Cèdre Tapisserie, 1975 |
9 mars En soi seul ce sont feuilles et racines
Walt Whitman
Feuilles d'herbe
Traduction de Jacques Darras
Gallimard, 2002
8 mars Langage
Arbre qui brilles dans la nuit, brûlant du feu d'un songe
et d'un cœur intérieur ardent qui vit et meurt,
écriture tracée d'une métamorphose
ancienne et d'une énigme irrésolue,
mémoire de silence, abrite-moi !
Je suis venu vers toi riche de ma parole,
et les mots se sont tus dans ma bouche, endormis.
Alors j'ai vu. Que toute chose dénommée
est un buisson ardent d'où s'élève une voix
qui nous appelle, et non pas que nous appelons,
mais qui brûle en soi-même et toujours se dérobe
au désir que nous eûmes de son nom.
Jean-Yves Masson
Poèmes du festin céleste
L'Escampette, 2002
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Marc Chagall Moïse devant le Buisson Ardent Musée National de Nice |
7 mars Le pin et le bouleau
Dans la nuit le grand pin
chuchote à la femme bouleau :
venez calmer mes ardeurs estives
buvez à mes blessures de résine
venez caresser mon derme racorni
humecter mes aiguilles de peine
que je perds pour abolir le temps
dans d'éternelles ruines
Michel Sicard
Exils prochains
Galilée, 2004
6 mars Cœur austral
La fleur est installée tout en bas, les pics montagneux se cambrent vers elle, le vent est au repos, l'arbre se dresse immobile.
Voilà soudain qu'épanoui au beau milieu de mon cœur en feu tu es installé en moi, arbre.
Nulle part il n'est de repos en moi, en flammes je pousse des cris, une mer en toute chose remue.
Et voilà qu'eux aussi palpitent, fleur et arbre, déjà rouges de leur douceur.
Henriette Hardenberg Expressionnistes allemands Anthologie de Lionel Richard Éditions Complexe, 2001 |
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Suedliches herz
Blüte sitzt tief, Bergspitzen biegen sich hin, Wind ausgeruht liegt, der Baum steht starr.
Da plötzlich erblüht mitten ins Herz hinein brennend sitzt du in mir Baum
Nirgend ist Ruhe in mir, in Flammen schreie ich auf, ein Meer in allem bewegt.
Da zucken auch sie, Blüte und Baum, schon rot von ihrer Süsse. |
5 mars Complainte de l'orange lumineuse
Dans un été tranquille, au sommet d'un nuage, avec un rire obscur cette orange saignait.
J'ai connu bien des mains, chacune voulait prendre en moi ce qu'elle aimait. Et, me pelant, chacune m'enlevait ma patrie qui n'est que de lumière.
Mais la lumière en moi parle avec mes désirs et je cherche toujours les vrais liens, les vraies mains qui me feraient mûrir.
Car je vis pour un arbre qu'aucun regard ne voit, un grand arbre à venir pour lequel je suis née et que j'entends la nuit m'appeler, m'avertir,
m'encourager, me dire qu'il est mon seul ami. Un jour, il paraîtra pour me redonner vie et je serai son ciel et sa graine et sa voix. Vous pouvez me manger vous ne m'éteindrez pas.
Mais les temps sont encore si loin, si loin de moi que, bien que lumineuse, je me sens seule au monde et voici que je saigne je ne sais pas pourquoi.
Peut-être pour cela.
Georges Haldas Poésie complète L', ge d'Homme2000
| Louttre.B Un oranger solitaire - Gravure 1997 Musée de Sens
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4 mars L'arbre et le soleil
L'arbre et le soleil
ne font plus qu'un
le soleil d'écorce
emporte sa flamme
jusqu'aux dernières aiguilles du pin
flambant dans le bleu absolu
devenu feu
c'est l'arbre-soleil
avec ses branches éclatantes
de soleil noir
ses aiguilles-soleil
ses racines-soleil
sa sève sa nuit
ruisselantes de soleil
beauté
foudre vivante
plantée en un lieu
impossible à rejoindre
défendue par le feu
absolument isolée
je la regarde d'une autre rive
et pourtant la reconnaît
à l'instant
où elle m'aveugle
nuit adorable de ce monde
beauté sans feu ni lieu
dont le désir
bienheureusement
me garde séparé.
Jean Mambrino
Sainte Lumière
Desclée de Brouwer, 1976
Zao Wou-Ki
3 mars Vert
Je parlerai du vert,
Maurice Carême La flûte au verger 1960 |
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