10 mars 2024 7 10 /03 /mars /2024 13:21

 

 

 

La grâce :

Être un Arbre

enchanté

par des milliers de moineaux.

 

 

 

 

Jean-Yves Leloup

L'art du Saule

Éditions de l'OUVERT, 1987

 

 

 

 

 

Ô bel arbre

 

 

Ô bel arbre qui, de branche en branche

Fait peser et ployer ton feuillage,

Tisse la voûte de ta cime

Autour du vieux tronc rudement dressé

Et tamise un soleil luxuriant et changeant

Qui plonge largement sur ton torse de bronze,

 

Qui sent s'alourdir de hauts bouquets

L'éventail déployé de ton feuillage

Et rôder alentour un pénétrant parfum.

Tu vois sur son arête où filtre le soleil

Glisser une lumière tendrement caressante

Qui s'attiédit en cercles autour de ton faîte.

 

Châtaignier, selon le voyage

Montant, hésitant, la tombée indécise

Du jour et de l'heure encercle

Ta totale envergure, car toi, pieux et tendre,

Tu berces tes branches qui, allant et venant

Mesurent la profondeur de mon souffle.

 

Dans la maison fraîche et obscure

Pleine d'un silence attentif, le chant de doux oiseaux

S'apparie à son propre murmure

Comme ma craintive opulence

S'insinue en pieuse pureté

Dans un brillant cortège d'étranges images.

 

Ô bel arbre, beau châtaignier

Puissé-je affronter comme toi

Les jours dans une grâce souveraine

 Moi qui, né pour une même beauté,

Doué d'un même amour et d'un pareil éclat,

Me trouve si misérablement seul... 

 

 

 

Karel Van de Woestijne

L'ombre dorée et autres poèmes

Traduction par Marcel Lecomte et Georges Thinès

La Différence, 1993

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                    

Gustav Klimt, Tree of life, 1905

 

 

 

O Schoone boom  

 

 

                       

O Schoone boom die branke aan branke, 

uw loovren wegen laat en wanken, 

en't welven van uw krone weeft 

om't bonkig staan van de' ouden tronk, en,

breed over't bronzen lijf gezonken,

er wissel-weel'ge zonne om zeeft ;

 

die't breiden uwer waaier-blaêren 

van trossen hoog gebloemt bezwaren

en zwoel van reuk omwaren voelt, 

en ziet hun zon-doorzegen zijde 

van teeder-streelig licht beglijden 

dat kringend om uw kruine zoelt ;

 

kastanjelaar, alnaar de reize, 

bij rijzen, dralen, dalend dijzen 

van dag en ure, in vollen vaêm 

omkringt u; daar ge, vroom en teeder, 

uw branken wiegt die, weg en weder, 

de diepte meten van mijn aêm ;

 

en binnen duister-koelen huize 

vol luister-stilte, aan eigen suizen 

den zang der zoete vooglen paart, 

gelijk mijn eigen schroom'ge weelde 

een schoone stoet van vreemde beelden 

in vroome zuiverheid door-vaart ; —

 

o Schoone boom kastanjelare, 

mocht ik de dagen tegen-staren 

als gij : in heerschende genâ ; 

— ik die, tot zelfde schoon geboren, 

met eendre liefde en eendre glore, 

zoo moederziel-alleene sta... 

 

 

 

 

 

La branche...

 

 

Il y a du bleu

— en levant les yeux

 

La branche

porte sa famille de feuilles

 

La feuille

tient d'une main la branche

 

Son poids

et sa légèreté

s'accordent pour rythmer la danse

 

Verte de couleur ici claire

ombrée au revers

 

Elle sourit

à sa voisine plus légère

plus svelte

 

Et à l'autre

 

Elles composent une présence

que visite la brise

 

Elles illustrent l'été

alors qu'un pinson s'égosille.

 

 

 

 

 

Gilles Claeys

Caillou blanc suivi de Élis l'Un

Cent Mille Milliards, 2018

 

 

 

 

Epitaphe

 

 

Gérard d'Houville
Poètes contemporains : anthologie
Collection des Amitiés françaises
1938

 

 

 

 

Les oliviers aux longues chevelures

    aux chevelures argentées

       les oliviers

    frémissent dans le vent

 

Les oliviers

    se déployant

en lents mouvements

    se mouvant

  dans la grâce

       d'une

   Hellade

  retrouvée

 

Les oliviers

    plient sous le vent

se tordent et s'épanchent

dans l'aridité

des collines

dans le soleil

   et sous le ciel

bruissant de mille feuilles

et de mille vols d'oiseaux

    dans les fruits

et dans les fleurs

et les dunes de sable

et les herbes gémissantes

et la crainte de neige

de lave et de fumée

de

l'Etna.

 

 

 

 

Francine Virduzzo

Journal (1958-1974)

Éditions Saint-Germain-des Prés, 1979

 

 

 

 

 

 

Silvia Cerreto

Photo : Silvia Cerreto

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Variation d'un rêve Dream Variation
   

Ouvrir tout grand les bras
Quelque part au soleil,
Tourner, danser
Jusqu'à la fin du jour blanc.
Puis se reposer au soir frais
Sous un grand arbre
Tandis que la nuit vient doucement,
—  Sombre comme moi —
Voilà mon rêve !


Ouvrir tout grand les bras

Face au soleil,
Danser ! tourner ! tourner !

Jusqu'à la fin du jour rapide.
Se reposer au soir pâle...
Un grand arbre mince...
La nuit qui vient tendrement
   Noire comme moi.

To fling my arms wide

In some place of the sun,

To whirl and to dance

Till the white day is done.

Then rest at cool evening

Beneath a tall tree

While night comes on gently,

Dark like me,—

That is my dream!

 

To fling my arms wide

In the face of the sun,

Dance!  whirl!  whirl!

Till the quick day is done.

Rest at pale evening . . .

A tall, slim tree . . .

Night coming tenderly

    Black like me.

 

 

 

Langston Hughes

Anthologie de la poésie américaine

par Alain Bosquet

Stock, 1956

 

 

 

 

Artize

Vert tendre

artizeparize.fr

 

 

 

 

 

 

 
 

L'amandier de Jérusalem

  

Ce n'est qu'un petit arbre, en sa rondeur fragile,

qui veut s'épanouir au cœur du firmament :

pourtant c'est lui, soudain, qui s'est couvert de fleurs,

on dirait dans le ciel un bouquet de comètes !

Ses griffes blanches et roses, ses languettes de flammes

dardent tôt le matin au bout de chaque tige,

entre les ongles tendres des bourgeons annelés

gluants comme du miel,

autour desquels murmurent, heureuses, les abeilles

butinant le soleil dans un jardin d'été...

 

 

Et si c'est pour cela

qu'inconsolés, pendant deux mille années,

chassés au bout du monde par l'implacable vie

du pays-du-matin, vu seulement en rêve,

nous avons attendu au fond de la nuit froide

comme des morts enfouis dans le sable et la boue, —

malgré tout, malgré tout, chers enfants du bon Dieu,

il refleurit pour vous sur la grille de la porte,

l'amandier qui s'élance au-dessus du jardin,

hors du cœur rajeuni de cet hiver de roc.

 

 

Sous leurs ailes de duvet immenses

par les tempêtes blanches des aubes de janvier

bien protégé contre l'ange et la mort,

soustrait au bec du méchant corbeau noir

qui veut se rassasier du germe de la vie,

déjà mûrit secrètement en toi

comme au milieu d'un feu de printemps clair et doux,

avec tout son tissu de cellules lactées,

le fruit de l'amandier aussi pur que le miel !

 

 

Là-haut, sur son étoile errante

à l'œil vert et doré d'éclair,

qui vole dans la nuit par les isthmes du ciel

lorsque sur la terre étrangère

longtemps il neige encore sur les pays sans nom, —

 

 

tu te mets à fleurir, et tout à coup tu chantes

par chaque tige nue de ta jeune couronne,

comme au début de juin les abeilles bourdonnent

dans la lumière verte au lever de l'aurore,

et tressent une natte blonde

sur tes tempes tièdes d'enfant, —

 

 

oui, bien qu'il te menace, l'archange de la mort,

contre lui justement,

malgré tout, malgré tout,

tu demeures pour moi la fiancée d'été,

ma toute jeune, ma toujours belle,

ma nouvelle Jérusalem !

 

 

 

 

Claude Vigée

Aux portes du labyrinthe

Flammarion, 1996

 

 

 

 

 

 

Sophie Duplain

L'Éclaireur

duplain-sophie.com

 

 

 

 

 

 

 

Au milieu de nos belles et paisibles forêts, il existe un arbre que j’admire et que j’aime. Ce n’est pas le chêne superbe qui balance dans les airs son faîte chargé de feuillage et d’années ; ce n’est pas non plus le hêtre, le hêtre si cher aux vers du doux Virgile et sous lequel il soupirait ses harmonieux accords. Cet arbre si riche de sa simplicité et de sa modeste élégance, c’est le bouleau. Ses feuilles dentelées et transparentes, son tronc uni et élancé, et je ne sais quoi de gracieux et de mélancolique dans ses branches flexibles et recourbées, lui donnent un caractère tout à la fois triste, suave, léger, qui plaît infiniment aux regards. Lorsqu'une brise légère vient agiter doucement son vert feuillage, cet arbre solitaire s'incline gracieusement vers la terre avec un mélodieux frémissement. Le bouleau n'exprime ni la douleur terrestre que le saule représente en laissant tomber ses longs rameaux, ni la fierté du chêne dont le faîte élevé domine tous les arbres des forêts ; il ressemble à ces âmes tendres et mélancoliques qui ne recherchent la solitude et l'oubli que pour penser et pour aimer. Placé comme entre le ciel et la terre, il semble tenir de l'éclat des deux mondes, et inviter les âmes pensives, aimantes et recueillies, à se reposer sous son frais ombrage.

 

 

 

 

Olivier de Saint-Albin

Le Magasin Universel

Publié sous la direction de savants,

de littérateurs et d'artistes

Octobre 1936 

 

 

 

Alexandra Battezzati

Bouleau sous la neige

acrylique sur toile

alexandra-battezzati.com

 

 

 

 

 

 

Ode au prunier

 

Lu Zhi

1570 (Ming)

Musée Guimet, Paris

Décembre 1962

 

Sur la mélodie de « Prophétie »

 

 

Vent et pluie : départ du printemps

Une poudrerie de neige accueille son retour ;

Falaise de mille pieds recouverte de glace

Là cependant, une branche fleurie offre sa grâce.

 

Sa beauté ne la fait pas rivale du printemps

Mais n'en est rien d'autre que la messagère

Quand la montagne sera en pleine floraison

Elle sera, au milieu, comme un sourire.

 

 

 

Mao Tse-Toung

Poésies complètes

et artistes et écrivains dans la Chine nouvelle

Seghers, 1976

 

 

 

 

 

 

 

Claudia De La Hoz

Jeune fille à l'arbre

claudianaturalartdeco.com

 

 

 

(...) Je m’en vais dans le champ avec un jeune pommier à planter.

     Je le pose par terre, je le tourne, je regarde ses branches à peine ébauchées prendre leur place dans l’espace qui les entoure.

      Un arbre a besoin de deux choses : de substance sous terre et de beauté extérieure. Ce sont des créatures concrètes mais poussées par une force d’élégance. La beauté qui leur est nécessaire c’est du vent, de la lumière, des grillons, des fourmis et une visée d’étoiles vers lesquelles pointer la formule des branches.

 

 

 

Erri De Luca

Trois chevaux

Traduit de l'italien par Danièle Valin

Gallimard, 2002

 

                  et des arbres...
   

Abricotier     Acacia    Alisier     Aloès     Amandier    Arbre à soie    Arbre de Judée    Arganier  Aubépin   Aulne    Baobab    Bouleau    Caroubier    Cactus     Cédratier    Cèdre    Cerisier    Charme   Châtaignier    Chêne    Citronnier    Cocotier    Cognassier     Cornouiller    Cyprès    Érable      Eucalyptus    Figuier    Flamboyant    Frêne    Ginkgo   Grenadier    Hêtre   Hévéa   If    Laurier    Lilas    Magnolia    Manguier    Marronnier    Mélèze    Mélia azédarach    Micocoulier     Mimosa    Mûrier-platane     Niaouli    Noisetier    Noyer     Ombú    Olivier    Oranger    Orme    Palmier    Pêcher    Peuplier    Pin    Plaqueminier    Platane    Poirier    Pommier   Prunier    Robinier    Santal    Sapin    Saule    Séquoia    Sophora    Sorbier    Sureau    Sycomore    Teck    Térébinthe    Tilleul    Tremble    Tulipier

 

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et de nombreux artistes ...

Bonne lecture !

Sylvie Gaté