Ouvre la fenêtre
En face des bois,
Je verrai peut-être
L'arbre d'autrefois.
L'arbre, ô mon enfance,
L'arbre qui chantait
Dans le grand silence
De cette forêt.
L'arbre aux ombres bleues
Au grand dessin pur
Visible à trois lieues
Sous le clair azur.
L'arbre où dans l'orage
Parfois se posait
Un oiseau sauvage
Aux ailes de lait.
L'arbre de tristesse
De la grande nuit
Que la « Diablesse »
Balançait sans bruit.
L'arbre qu'aux nuits blondes
Sous le croissant bleu
Remplissaient les rondes
Des mouches de feu.
Dans l'air, la buée
Le verrai-je ?
« Non ! »La forêt ?
TuéePar le bûcheron !
« L'arbre dont la lyre
Chantait dans ce bois
On en fit, je crois,
Un mât de navire.
L'arbre d'autrefois,
Les choses sont brèves,
Ne vit plus qu'aux bois
Fleuris de tes rêves.»
Daniel Thaly
Poèmes choisis
Casterman, 1976