De peur que son seul arbre ne s'enfuie
il l'attache au pied de son cheval
que sa maison n'ait le mal de terre
il la construit sur un plateau
que son ruisseau ne se suicide dans la rivière
il le nomme eau stagnante, l'enferme dans un puits
que son jardin n'écoute les vents étranges,
il le plie trois fois, l'enferme dans son grenier
de peur que ses oiseaux n'émigrent
il chauffe les saisons
interdit aux feuilles de tomber
cloue sur les branches les désobéissantes
et cache sous sa peau leur permis de voyager
de peur que son nom ne s'use
il l'attache par une corde au bout de sa langue
et pour ressusciter avec les saisons
IL NOMME TERRE L'ESPACE DE SON CORPS
Vénus Khoury-Ghata
Au sud du silence
Revue Poésie 1, n°86
Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1981