Que le cerf brame et la forêt s'élance
Tout un torrent de biches fend le jour
Les vieux corbeaux vont combattre les anges
La terre avale une salive ardente
Elle boit le fleuve et la mer à son tour.
Les bois du cerf brûlent comme des torches
Et des phénix s'envolent de son cœur
L'arbre se penche, il cueille un peu de mort
Et d'arbre en arbre il vole des couleurs
La forêt brûle un peu plus haut que l'aube.
La forêt brûle et des ruisseaux de lave
Coulent aussi sur les visages d'herbe
Ceux qui ont peur sont mangés par les arbres
Et les plus forts sombrent dans leur colère
Pour éprouver la crainte du soleil.
Il n'est plus temps de tirer sur les aigles
Ils ont volé nos ailes, notre sang
Chacun n'a plus qu'une boule en lui-même
Comme un soleil qui tourne en le blessant
Chacun n'a plus que sa douleur à perdre.
Que le cerf brame et c'est un jour qui flambe
Un jour, un siècle au monde écartelé
On rêve ici du temps de la mort tendre
Qui s'endort feu peut se réveiller cendre
Et l'aube éteint les astres sans amour.
Robert Sabatier
Les fêtes solaires
Albin Michel, 1955