Soixante-dix années
l'été avait régné.
Ses aubes empoisonnaient d'une clarté vengeresse.
Mais l'olivier solitaire,
mon frère abandonné,
n'a reculé devant leur clarté dans le combat.
Qu'il est sacré son serment ! Ses branches noires
n'ont pas chargé des étoiles et des lunes.
Sa misère seule, ô ma terre, tel le Cantique des Cantiques,
laboure les cœurs de tes pierres.
Et peut-être, des yeux de son dieu, son maître,
rien qu'une larme lui est offerte, grosse et chaude,
lorsqu'il se penche endeuillé, tel un comptable,
sur les pages de ton livre où souffle la colère.
Quand tu demanderas à tes montagnes de mourir
et que les troupeaux beugleront pour la pluie et le fourrage,
il sera debout à son poste ton fiancé solitaire,
et tu sauras que ta vie est entre ses mains.
Et le soir, saignant du long crépuscule,
il tâtonnera sur ton visage — te cherchant.
Dans son tronc sinueux, dans le brasier de ses veines,
il garde précieusement et retient tes larmes.
Et en face éclate le vent rouge de la sécheresse
mais recule
saisi de terreur —
car la montagne ne s'ébranle et son cœur ne se tait
tant qu'un bourgeon, même unique, décore sa poitrine.
Nathan Altermann
Poètes israéliens d'aujourd'hui
Traduit de l'hébreu par Nicolas M. Lazar
Albin Michel, 1960
Photo : Fabiana Figueiredo