Le soir les forêts automnales retentissent
D’armes mortelles, les plaines dorées
Et les lacs bleus où le soleil
Ténébreux roule ; et la nuit enlace
Les guerriers à l’agonie, la plainte sauvage
De leurs bouches fracassées.
Mais en silence s’amasse au creux du pâturage
Nue rougeâtre où loge un dieu courroucé
Le sang versé, fraîcheur lunaire ;
Tous les chemins débouchent sur de la noire pourriture.
Sous des ramures dorées de la nuit et sous des étoiles
Va chancelante l’ombre de la sœur par le bois silencieux
Saluer les âmes des héros, leurs têtes sanglantes,
Et doucement résonnent dans les roseaux les sombres pipeaux de l’automne.
Ô deuil plus fier ! autels d’airain,
Une violente affliction alimente aujourd’hui la chaude flamme du génie,
Les descendants qui sont encore à naître.
Georg Trakl
Expressionnistes allemands
Anthologie de Lionel Richard
Éditions Complexe, 2001
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Grodek
Am Abend tönen die herbstlichen Wälder
Von tödlichen Waffen, die goldnen Ebenen
Und blauen Seen, darüber die Sonne
Düster hinrollt ; umfängt die Nacht
Sterbende Krieger, die wilde Klage
Ihrer zerbrochenen Münder.
Doch stille sammelt im Weidengrund
Rotes Gewölk, darin ein zürnender Gott wohnt,
Das vergossne Blut sich, mondne Kühle ;
Alle Straßen münden in schwarze Verwesung.
Unter goldnem Gezweig der Nacht und Sternen
Es schwankt der Schwester Schatten durch den schweigenden Hain,
Zu grüßen die Geister der Helden, die blutenden Häupter ;
Und leise tönen im Rohr die dunkeln Flöten des Herbstes.
O stolzere Trauer ! ihr ehernen Altäre,
Die heiße Flamme des Geistes nährt heute ein gewaltiger Schmerz,
Die ungebornen Enkel.