C'était devant une jardinerie, dans un passage souterrain
Heureux de découvrir cette enseigne, j'ai ralenti mes pas
et voyant un bel arbre, je me suis arrêté
Était-ce dû à l'oxygène raréfié ?
Il étaient blêmes, comme s'ils allaient confesser tous leurs pêchés, ces gens là
Le nom de cet arbre était, je crois, hévéa du Bengale, en Inde
À cet instant, un homme noir s'est arrêté soudain devant l'arbre
Comme je me tenais un peu à l'écart,
j'ai pu lui laisser suffisamment de place
Il n'avait pas de turban,
mais portait sur lui de toute évidence le silence ancien de l'Inde
Il touche et touche encore les larges feuilles de l'arbre
avant de reprendre son chemin
Puis il se retourne, plusieurs fois même
Il devait penser qu'ils étaient venus
l'un comme l'autre de loin, de très loin même
Le nom de cet arbre était, m'a-t-on dit, hévéa du Bengale
Cette fois-ci, l'arbre se retourne vers l'homme
L'arbre ne peut s'empêcher de le faire
pour se remémorer ses années d'or
L'arbre devient moite des lourds effluves provenant de l'homme
Le passage souterrain se réveille un instant comme sous l'effet du soleil
Je me retrouve intérieurement quelque part au Bengale
Tantôt en marche dans le passage souterrain,
Tantôt devant la jardinerie,
Intérieurement, je me retrouve planté en pot
Lee Byung-ryul
C'est l'heure où le monde s'agrandit
Onze poètes coréens de notre temps
Anthologie établie et traduite par Kim Hyun-ja
Éditions Bruno Doucey, 2021