Châtaignier à l’ombre noire,
Ma tente estivale en plein vent,
Tu baisses vers les eaux ton vaste branchage,
Ton feuillage, il a soif et il boit,
Châtaignier à l’ombre noire !
Une jeune couvée se baigne dans ce port,
Querelleuse ou criant sa joie.
Et des enfants nagent, blancs,
Éclatants dans le grillage de tes feuilles,
Châtaignier à l’ombre noire !
Et quand lac et berge s’obscurcissent,
Et que passe le bruyant bateau du soir,
Un éclair rouge part du fanal
Et se laisse porter par le flot,
Semblable à des lettres brisées,
Jusqu’à ce que l’énigmatique
Inscription de feu s’éteigne en tes feuilles,
Châtaignier à l’ombre noire !
Conrad Ferdinand Meyer
Traduction par Jean-Pierre Lefebvre
Anthologie bilingue de la poésie allemande
Gallimard 1993
Conrad Ferdinand Meyer
Leipzig,1882