Quatre arbres ont vu passer la Peste. C'étaient trois grands peupliers d'or. C'était un saule au bord du pont qui souleva un peu le front.
Quatre arbres regardaient dans l'onde leurs doux reflets d'or et d'argent, et tout était tranquille au monde. La Peste est passée sur le pont.
Que les soleils sont beaux le soir : ils dorent l'univers et dans l'air jusqu'aux ventres blancs des oiseaux — jamais les vêtements de la Peste !
La goule est passée toute petite et puis plus grande et sans marcher, sans se presser, tout en glissant et sans marcher, sous sa cagoule.
Un soleil meurt au fond du monde. L'eau court plus vite sous les arches, comme pour aller au fond du monde se consoler et se cacher.
Le saule a penché son visage sur sa pâle image effrayée. Le saule a noyé son visage sous le frisson des peupliers.
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Paul Fort
Revue Vers et prose
Tome 9 , 1907