Les arbres, les arbrisseaux, les plantes sont la parure et le vêtement de la terre. Rien n’est si triste que l’aspect d’une campagne nue et pelée qui n’étale aux yeux que des pierres, du limon et des sables. Mais vivifiée par la nature et revêtue de sa robe de noces au milieu du cours des eaux et du chant des oiseaux, la terre offre à l’homme dans l’harmonie des trois règnes un spectacle plein de vie, d’intérêt et de charmes, le seul spectacle au monde dont ses yeux et son cœur ne se lassent jamais.
Plus un contemplateur a l’âme sensible, plus il se livre aux extases qu’excite en lui cet accord. Une rêverie douce et profonde s’empare alors de ses sens, et il se perd avec une délicieuse ivresse dans l’immensité de ce beau système avec lequel il se sent identifié. Alors tous les objets particuliers lui échappent, il ne voit et ne sent rien que dans le tout. Il faut que quelque circonstance particulière resserre ses idées et circonscrive son imagination pour qu’il puisse observer par partie cet univers qu’il s’efforçait d’embrasser. |
Jean-Jacques Rousseau
Les Rêveries du promeneur solitaire
1782
Extrait de la septième promenade