(Extrait)
II
Les arbres éclaboussent le ciel de leurs doigts,
Troupe agitée d'étoiles vertes.
D'un tournoiement,
Ils balancent leurs rameaux
Autour de leurs branches :
Des plans d'ombre et de lumière
Les traversent et s'ouvrent
En éventail avant leur chute.
Les arbres sont comme une mer :
Ils secouent,
Ils tremblent,
Ils hurlent,
Ils se vautrent en dardant vers le ciel
Leurs longues frondaisons vertes qui vacillent,
Tachetées de blanche écume en fleur.
Les arbres sont des toits :
Cavernes creuses d'ombre fraîche et bleue,
Arcs solennels
Dans les après-midi.
Tout le vaste horizon,
Terrasse après terrasse,
Pinacle sur pinacle,
Les hausse jusqu'au ciel
En dents de scie, par rangs, vert sur vert
Ils caressent de leurs doigts les toitures,
Ils rampent près du fleuve pour y regarder ;
Ils arrivent par la colline,
Gesticulant dans leur défi ;
Ils se blottissent
Dans les sombres vallées ;
Ils s'ennuient au-dessus des champs.
Des dômes émaillés
S'effondrent dans l'herbe,
Tombent en ruine,
Calmes enfin.
Les arbres fouettent le ciel de leurs feuilles,
Et secouent lourdement leur crinière vert sombre.
John Gould Fletcher
Anthologie de la poésie américaine
par Alain Bosquet
Stock, 1956
II
The trees splash the sky with their fingers.
A restless green rout of stars.
With whirling movement
They swing their boughs
About their stems:
Planes on planes of light and shadow
Pass among them,
Opening fan-like to fall.
The trees are like a sea;
Tossing,
Trembling,
Roaring,
Wallowing,
Darting their long green flickering fronds up ar the sky,
Spotted with white blossom-spray.
The trees are roofs:
Hollow caverns of cool blue shadow,
Solemn arches
In the afternoons.
The whole vast horizon
In terrace beyond terrace,
Pinnacle above pinnacle,
Lifts to the sky
Serrated ranks of green on green.
They caress the roofs with their fingers,
They sprawl about the river to look into it;
Up the hill they come
Gesticulating challenge:
They cower together
In dark valleys;
They yearn out over the fields.
Enamelled domes
Tumble upon the grass,
Crashing in ruin
Quiet at last.
The trees lash the sky with their leaves,
Uneasily shaking their dark green manes.
John Gould Fletcher