On passait devant le jardin du notaire dont les arbres du Japon aux fleurs rouges, toujours répandues par le vent devant la porte, me semblaient bien laids, et dont des clématites en velours violet couvraient le mur dès le mois de Mai comme si elles fussent nées de l’air chaud. […] Puis une allée d’arbres commençait qui semblait savoir où elle conduisait. On prenait une sorte d’avenue de grands arbres qui avait l’air de savoir où elle conduisait. Souvent depuis, revoyant des arbres pareils en Normandie, en Bourgogne, soudain je sentais une sorte de douceur m’envahir et mes états de conscience actuels glisser doucement pour en laisser apparaître un très ancien. « J’ai déjà vu ces arbres où ». C’était si vague que je pensais que c’était seulement en rêve. |
Marcel Proust
Les soixante-quinze feuillets et autres manuscrits inédits
Gallimard, 2021