La Margotte est assise sur un emplacement magnifique. Ce que j'aime surtout, ce sont les tribus de vieux chênes installés sur tous les coteaux. Ce sont des arbres énormes, très vastes et très hauts. Leur ombre a nettoyé tout le sous-bois qui est clair, net, pelucheux de petite herbe sèche. Ils vivent là, depuis des siècles, avec des foules d'oiseaux, d'écureuils, de petits mammifères et même de renards. Ils sont blonds. Ils sont solides. Ils ont une peau très épaisse, verdâtre, plissée, avec des reflets d'or. Ils sont très vieux. Si on essaye d'imaginer combien il a fallu de temps pour que, du gland, puissent sortir et se former ces énormes troncs que quatre ou cinq hommes se tenant par la main, ne peuvent embrasser ; pour que puisse s'élever cet extraordinaire échafaudage de branches, on se perd dans la nuit des temps. Et, actuellement, je ne connais pas de repos plus magnifique que celui qui consiste, quand on le peut, à se perdre dans la nuit des temps. Je suis par conséquent souvent par monts et par vaux à travers les forêts de chênes. |
Jean Giono
Œuvres romanesques complètes III
Noé
Gallimard, 1974