Acharné à saisir l'instant
Où la sève se change en griffe
En vapeur ou en bien public
Où le bois se poussant du coude
Ajoute à son vitrail
Une station horrible ou glorieuse
Où la lèpre de l'âme accouche d'un empire
Où la beauté recouvrant la parole
Complote avec l'enfer
Chaque jour j'ai dessiné sur ma propre peau
L'arbre unique
Devant lequel on m'a planté
Assez près pour qu'à tour de rôle
Nous nous cachions lune et soleil
Trop loin pour que nos racines
Se fassent l'amour ou s'étranglent
Comme chèvre au piquet
Et que nos branches puissent
Attoucher énerver faire saigner
La même méninge céleste
J'ai fait ce que j'ai pu
Au besoin je me relevais la nuit
Pour compléter mon dessin
D'une flèche ou d'un oiseau
D'une pustule ou d'un ponceau
J'ai fait ce que j'ai pu pour rien
Puisqu'à la fin je m'écroule
Sous cet amas de portraits
Dont aucun ne coïncide avec un autre
Alors qu'ils me ressemblent tous.
Jean Rousselot
Sud / Poésie
n°46/47, 1983