Ô feuille, qui légère à mes pieds viens de choir,
Par la brise arrachée, avec un doux appel
Sans doute te plains-tu d'être par moi foulée.
Souvent je suis passé sans songer à toi,
Pourtant pleine de vie au sommet de ta branche.
Je t'aime, feuille morte, et même tu me hantes.
Une amitié commune au creuset de mon âme
M'unissait à vous tous — feuille, brise, soleil —
d'un amour indistinct je vous ai tous chéris.
Tu n'es plus que poussière et boue, ô feuille douce ;
Tu naîtras à nouveau pour que ton harmonie
Se poursuive à mi-voix comme avant et toujours.
À mon tour, moi aussi, qui te sens vivre en moi,
Je tomberai sous peu, livrant mon coeur si frêle
À la fleur et à l'onde, au vent et à l'éther.
Mais au plus haut des cieux mon esprit dans son vol
T'emportera ravi, plein de reconnaissance ;
Et, pure idée enfin, d'un sourire immortel
Tu souriras au gré du sourire de Dieu.
Niccolò Tomaseo
Poètes d'Italie
Anthologie de Sicca Vernier
Gallimard, 1999