La nuit dit aux grands arbres
à mots de feutre
des paroles de lait bleu
J'entends suinter
la moiteur sucrée des feuilles
dans les halliers de l'ombre
La brume d'un lointain pays
s'anime de doux chiens blessés
dans la chaude rumeur de l'angoisse
Au ras des herbes moribondes
s'envolent d'agiles lueurs
vers la rivières somnolente
Tel un veilleur guettant l'aurore
j'attends la blanche annonciation
d'une fleur ressuscitée.
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Sous nos pas un bonheur de sable
poussait des cris brefs et roses
Désir né de la mer
une pluie lointaine de nacre
jetait un silence bleuté.
L'île aux oiseaux
sur la brume flottant
nous appelait d'une caresse.
Là-bas montait la dune fauve
dans le parfum des arbres blessés.
Et ce fut le matin et ce fut le soir
frémissant de lunules et d'oiseaux gris.
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Parfois des animaux nous croisent
avec des regards d'anges noirs
et nous posent des énigmes
douces, sur le terrible amour.
Un sphinx parle de simples choses
douloureuses. Les lendemains
prennent forme de labyrinthes
où l'oiseau lance un cri de sang
à travers de blancs arbres morts.
F.-J. Temple
Les grands Arbres
Chambelland