Des noires forêts de l'Irati aux marbres d'or du Marboré, soit cette résonance ma très certaine habitation. Quand mon corps sous les neiges n'aura plus même mémoire de chevauchées ni de batailles, mais seulement rumination d'humus et de racines, soit cette crête ma terre définitive, ma capitainerie. Nos chairs sarrasines et vasconnes mêlées inextricables feront plus belles les prairies à l'heure où les crocus craquent le gel, où les scilles qu'on dit jacinthes crèvent le gel de mars, à l'heure où jubilent les jonquilles, feront plus gros les ruisseaux à dévaler leur joie pentue, plus palpitants les peupliers que bat le printemps, plus lourd l'été dans ses feuillages lourds, plus rose la rose des ronces, plus folle la clématite échevelée, plus amers les prunelliers où la nuit s'arrondit, plus noire la succulence des mûres — et notre sang à tous les sangs mêlés, plus vive la sève des forêts. Halt sunt li pui e mult halt les arbres ! Qu'ici je meure en regardant l'Espagne, qu'ici je tombe et dans le large de mes bras étreigne le ciel d'Espagne, embrasse la terre d'Espagne, mon australie de pierres et de poussière. |
Bernadette Engel-Roux
Hauts sont les Monts
Éditions de Corlevour, 2008