Au creux des vallons de Larchant,
À l'heure où croissent les ténèbres,
Je m'avançais vers le couchant
Entre deux rangs de pins funèbres.
Leurs troncs montaient, rouges et droits,
De l'épaisseur des mousses blanches,
L'Horreur muette et les Effrois
Étaient accroupis sous leurs branches.
Leurs racines aux nœuds rampants
À mes pieds, sur la terre nue,
Pareilles à de noirs serpents,
Rayaient la sinistre avenue.
Un brouillard lourd et pénétrant
Suintait lentement du ciel sombre :
J'allais toujours vers le couchant
Entre ces deux murailles d'ombre.
Ô froids amants des vents du nord !
Contemplateurs des avalanches !
Pins inflexibles où la Mort
Pour nos cercueils taille des planches !
Quand, du haut des monts, la tourmente
Se rue entre vos rangs serrés,
Et que la chouette se lamente
Dans la profondeur des fourrés,
Si votre hôtesse, l'Épouvante,
Prenant au cou l'homme éperdu,
Lui montre la face effrayante
Et convulsive d'un pendu !....
Horreur ! sa noire silhouette
S'enlevait sur l'or du couchant,
Et deux corbeaux fouillaient sa tête !...
Ô sombres vallons de Larchant !
Charles Frémine
Floréal
A. Lemerre, 1870