à Didier Jourdren
Le cerisier a refleuri
dans le jardin
et c'est alors soudain
comme s'il brûlait
depuis toujours et à jamais.
Mais tout autour s'étend
l'espace encombré du cœur.
Nous le voyons
montant de la terre
et s'y tenant enraciné
quand nous — ici — sommes jetés
dans l'illimité.
Et il demeure là-bas
— chose du monde mais lointaine —
offert à tous et fleurissant
pour rien, pour personne
— mais fleurissant !
Ce qu'il éclaire c'est notre absence
et cette façon de toujours perdre
ce à quoi nous tenons.
Oublierait-on les bornes de l'espace
et les signes du temps, qu'il viendrait
peut-être fleurir en nous.
Mais nos yeux d'exilés le quittent
et il disparaît de l'horizon
où, à peine posés, nous continuons d'aller
de biais dans un temps sans saison.
Nous n'aurons su qu'un court instant
lui accorder asile dans nos regards
ouverts à tous les vents,
où passe, irrémédiablement,
ce qui s'en va de notre vie,
S'il est un arbre qui soit nôtre
c'est celui, vaste et nu, de la mort.
Être — cela nous l'ignorons.
Nous sommes mourant sans cesse
et nulle neige ne peut jamais
pour nous renaître en feu.
Jean-Paul Hameury
Exils
Folle Avoine, 1995