Là sous la colline
se cachent forêts et ferrailles
granges abattues comme herbes folles
lacs ruisseaux cailloux surgissant de la terre et devenant
falaises
se cachent oiseaux morts et renards oubliés ou abattus
comme granges
ensevelis
Au-dessus
dans la lumière
l'éclat doré des mélèzes
Mais un craquement de débâcle et de ruines grondantes
l'arbre pieds et poings liés jeté à la foudre
au gel des pluies de l'hiver
et le parfum moussu du lit des branches
arraché par les vents
traversent l'aube le jour la nuit dans un chatoiement de voix
l'arbre cannelures et les oiseaux enfuis jacasseurs et criards
l'arbre maintenant écorce de suie et collerette de givre
refuge des beaux papillons
encore étonné foudroyé abattu
l'arbre immobile
*
mes doigts glissent sur le tronc et croient sentir ce roulement, ce
grondement sourd des eaux libres jaillissant de la moelle, mes doigts
en une pression fine sur le papier prennent l'empreinte de l'écorce et
s'approchent de mes lèvres de ma langue pour goûter cette suie pourpre
et folle
*
là
dans son cercle d'écorce et crin de cheval
au claquement fougueux de sabots
le sang de la sève sourd
hennissant
dans son désir pourpre et sauvage de lumière
en larges enjambées sous les pins
dans les voix hypnotisées de la pinède bleue
Ainsi cette brûlure dans l'aube
fait l'arbre s'abreuvant aux terres australes du sous-sol
croisant et entrecroisant ses racines touchant racines de glace
touchant racines de bananiers
crêtes d'océans
humus glaiseux de la mort des hommes
Dans le creux humide de la terre
l'arbre fossile aligne au cordeau souches et mort-bois
pour des œuvres nouvelles
*
j'avance à pas muets dans l'ombre bavarde guettant sans le faire voir
les oiseaux cachés moqueurs à pattes jaunes et bec vermeil pour
trouver leurs nids et pour manger les œufs
*
L'arbre couché brûlé mort gelé de l'hiver
abattu par les hommes et les tempêtes d'avril
tremblant encore de la première cognée
trahison du gel ou de la pluie brûlante
dans son premier souffle d'arbre levé
s'arrachant des eaux neuves où rugit la lumière
d'abord corail puis frondaison
l'arbre lumineux
garde enfouis dans sa mémoire les objets sous la colline
les souvenirs d'oiseaux et leurs vastes migrations
le renard
et l'amour perdu
*
sous les arbres un tapis frais et odorant recouvre le sol mes mains mes
doigts rassasiés du pillage des nids oublieux des fruits cherchent à
plonger telles des racines sonores et plus loin et de l'autre côté là pour
rejoindre quelque sève ligneuse devenue arbre de mestre ou papier ou
maison
(Dunham, été 2002)
France Mongeau
Bacchanales n°29
Revue de la Maison de la Poésie Rhône-Alpes
Écrits des Forges