« Quand un arbre majestueux est violemment animé par le vent, peu de gens pensent à ses racines. Aujourd'hui toutes les préoccupations des poètes sont orientées vers les racines. » Pierre Reverdy |
S'est-on jamais avisé que les arbres parlaient par fragments ? Eux dont la force ligneuse et l'expansion renouvelée symbolisent la perpétuité des temps ou des systèmes (arbres de vie, de Noël, de Porphyre, de Jessé, arbres de la liberté, arbre généalogique...), n'ont d'autre voix qu'un bon millier de feuilles périssables et d'oiseaux qui disparaissent avec les saisons, d'autre existence que divisée.
Une fringale de papier me surprend en automne. J'écris tandis que tombent les feuilles. Le ciel se tasse, il craque quand on marche dessus. Ni fontaine fraîche, ni petites lèvres végétales, ni langues agiles, ni voix d'oracle, ni couvert secret des couvées : mon arbre est le monument de l'absence, une croix griffée à l'encre noire sur l'horizon vide. Écrire accompagne sa douleur.
Les feuilles tombées ressemblent aux ailes des papillons. Séchées entre les pages d'un livre, ce sont de petits buvards silencieux entretenant la mémoire immobile de l'envol. |
Jean-Michel Maulpoix
Émondes
Fata Morgana, 1986