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Sa nuit était si noire,

Sa neige était si froide,

Si glacée sa résine,

Qu'un sapin de Noël

A poussé ses racines

Au ventre de la terre

Pour se chauffer les pieds.

 

À l'autre bout du monde,

Son ciel était si clair,

Son sable était si chaud,

Si brûlante sa fièvre,

Qu'un palmier de Noël

Les prit entre ses mains

Pour rafraîchir sa sève.

 

 

 

Bernard Lorraine

 

 

 

 

 

 

 

Une mésange dans la géométrie sèche

du magnolia se lustre les rémiges

 

C. décore le sapin

de boules bleues   lui pose des tampons

d'ouate sur les branches

 

elle panserait les blessures du siècle

elle n'y mettrait pas plus de cœur

et de doigté

 

 

 

Roland Reutenauer

Avant Longtemps

Rougerie

 

 

 

 

 

un sapin clignote

à la fenêtre des voisins

tout seul dans le noir

 

 

 

 

Patrick Palaquer

Chevaucher la lune

Anthologie du haïku contemporain en français

par André Duhaine

Les Éditions David, 1990

 

 

 

 

  

Un petit arbre s'est perdu

En plein milieu de la forêt

Semant partout ses cheveux d'ange,

Ses larmes de cire et ses attraits.

 

Ce petit arbre qui a perdu,

Perdu sa boule dans les fourrés,

Traîne dans la neige de décembre

Son pauvre pied déraciné.

 

Petit sapin, tu dois rentrer,

Rentrer très vite par la ch'minée

Car au salon ceux qui t'attendent

Vont certain'ment « t'enguirlander » !

 

 

 

 

Anne Schwarz-Henrich

Au clair de ma plume

Callicéphale Éditions, 2001

 

 

 

 

  

Au sapin de Noël

Dansent toutes les lumières,

De l'été, du soleil,

Des étoiles, des rivières

 

Le sapin de Noël

Descendu sur la terre

Est un arbre du ciel

Qui fleurit en hiver

 

Qui fleurit à Noël

Au salon de grand-mère.

 

 

 

 

Anne Schwarz-Henrich

Au clair de ma plume

Callicéphale Éditions, 2001

 

 

 

 

 

Pour préparer un arbre de Noël

il faut deux choses :

Un arbre tout d'abord — et puis des ornements.

 

Pour préparer un arbre de Noël

Il faut trois choses

               — outre les ornements de l'arbre

La foi dans les beaux jours qui vont venir.

 

Pour préparer un arbre de Noël

Une chose suffit — point d'arbre ou d'ornements :

Ce sont illusions de mon âme candide

Qui prend des cailloux pour des diamants.

 

Pour préparer un arbre de Noël

Finalement suffit toute l'illusion.

À vous donc bonne année et bonne illusion.

 

 

 

 

Zahrad

Traduction de Charles Dobzynski

Anthologie de la poésie arménienne

Les Éditeurs Français Réunis, 1973

 

 

 

 

 

Brûlent les sapins de Noël

En or massif dans les forêts

Des loups jouets dans les fourrés

Nous fixent de leurs yeux cruels.

 

1908

Ossip Mandelstam

 

 

 

Ossip Mandelstam

(La) Pierre

Traduit du russe par Henri Abril

Circé, 2003

 

 

 

 

 

Au sud du golfe de Finlande

           La nuit, près de la mer brumeuse,

Un arbre de Noël tout en guirlandes,

           Un arbre de Noël,

Cerné de tours gothiques,

           Les blasons de chevaliers teutoniques

et les cheminées d'usines.

 

L'arbre de Noël chante des chansons d'Estonie

           sur une plage enneigée

Un très grand arbre de Noël, effilé, tout en guirlandes.

 

Tes cheveux sont de paille blonde, tes sourcils bleus

Tu es dans la boule rouge

Et c'est moi qui t'ai accrochée après y avoir enfermé

Ton cou blanc, long et rond.

Je t'ai mise dans la boule rouge avec mes soupçons

Avec mes espoirs, avec mes paroles, avec mes caresses.

J'ai accroché la boule rouge à tous les arbres de Noël,

À tous les balcons, à toutes les fenêtres, à tous les clous,

À toutes les nostalgies, en t'y enfermant.

Pardonne-moi, je mourrai en te laissant là-bas.

L'Estonie est le plus petit État socialiste

Mais c'est celui où, par tête d'habitant,

On lit le plus de poèmes,

On boit le plus de vodka,

Où l'on s'intéresse le plus aux automobiles.

Elle est réputée pour ses meubles et ses travaux de tannerie

Et pour sa chorale aux trente mille voix.

 

Je ne puis regarder dans les yeux d'un mourant

           j'ai honte.

Vivre m'est odieux quand près de moi quelqu'un agonise.

Lucia meurt à Moscou, chaussée des Enthousiastes, dans

un hôpital dont j'ai oublié le numéro, Son visage est une

           vieille cuiller en bois ;

La pénombre se mêle à la neige fondante ;

Les camions passent l'un après l'autre secouant l'asphalte.

Est-ce un reflet de Lucia qui ride mon front,

Ou bien la mort qui s'approche de moi ?

 

    L'arbre de Noël chante des chansons d'Estonie

           sur une place enneigée,

    Pardonne-moi je vais mourir en te laissant dans une boule rouge.

 

Il est dans ce monde une chose incomparable

Et dont nul, sauf moi, ne connaît l'existence,

C'est peut-être une plante, un animal, un mot, un métal,

Un rayon, peut-être, d'une planète ?

Il est en ce monde une chose qui vit pour toi Mais toi tu l'ignores.

Pardonne-moi, je vais mourir,

 

Et toi, brisant la boule rouge, tu sortiras

                             sur une place enneigée.

Ce sera peut-être à Moscou ou bien à Talinn ou bien à Leningrad ?

Tu descendras d'un arbre de Noël, sur une plage enneigée.

Mais moi depuis longtemps j'aurai emporté

Ce qui vivait pour toi.

 

 

 

 

Nazım Hikmet 

C'est un dur métier que l'exil

Anthologie établie par Charles Dobzynski

Le Temps des Cerises, 2012

 

 

 

 

    

     Ce jour-là, Vinobâ évoqua aussi une ancienne tradition bouddhiste qui consiste à honorer la nature en plantant des arbres. Il me raconta comment, au IIIè siècle av. J.-C., le grand empereur indien Ashoka, sensible aux idées bouddhistes, avait demandé à ses sujets de planter et d'entretenir au moins cinq arbres au cours de leur vie. Et pas n'importe lesquels : ces cinq arbres, avait-il précisé, devaient comprendre un arbre médicinal, un arbre fruitier, un arbre susceptible de fournir du bois de chauffage, un autre assez solide pour servir de bois de construction et un dernier choisi pour la beauté de ses fleurs. L'ensemble ainsi constitué formait ce que l'empereur appelait le panchavati, le bosquet des cinq arbres.

      En traversant le Kerala, je remarquai que certaines familles chrétiennes décoraient un arbre de Noël en signe de respect pour tous les arbres du monde. Contrairement aux chrétiens d'Europe, ceux du Kerala laissent leurs « arbres de Noël » en terre et les décorent sur place, dans leur jardin ou dans leur champ. Au Kerala, on ne coupe pas d'arbres pour fêter Noël : on en plante.

 

 

 

Satish Kumar

Tu es donc je suis

Traduit par Karine Reignier

Belfond, 2010

 

 

 

 

 

Les sapins en bonnets pointus

De longues robes revêtus

   Comme des astrologues

Saluent leurs frères abattus

Les bateaux qui sur le Rhin voguent

 

 

Dans les sept arts endoctrinés

Par les vieux sapins leurs aînés

   Qui sont de grands poètes

Ils se savent prédestinés

A briller plus que des planètes

 

 

A briller doucement changés

En étoiles et enneigés

   Aux Noëls bienheureuses

Fêtes des sapins ensongés

Aux longues branches langoureuses

 

 

Les sapins beaux musiciens

Chantent des noëls anciens

   Au vent des soirs d'automne

Ou bien graves magiciens

Incantent le ciel quand il tonne

 

 

Des rangées de blancs chérubins

Remplacent l'hiver les sapins

   Et balancent leurs ailes

L'été ce sont de grands rabbins

Ou bien de vieilles demoiselles

 

 

Sapins médecins divagants

Ils vont offrant leurs bons onguents

   Quand la montagne accouche

De temps en temps sous l'ouragan

Un vieux sapin geint et se couche

  
  
  

Guillaume Apollinaire

Alcools

Gallimard, 1966

 

 

 

 
 
Les sapins

Photographie : Claude Chambon

 

 

 

 

 

J'ai vu la bûche morte

Avec son âge dessiné

Avec ses vers à l'œuvre

Et le duvet des champignons.

 

Il y avait un sang

Qui coulait de la cicatrice

Et, plainte à peine audible,

Le grincement de l'agonie.

 

Partait un moignon de rameau

Encor riche de souvenirs

De chants, de nids et de lumières

Pendus aux vitraux des feuillages...

 

La trace des outils ponctuait le supplice.

J'ai retiré la bûche à son linceul de feuilles

Dessous quelque grillon avait dit une messe

Prémice à cet hymne de flammes

Qui chanterait Noël !

 

 

 

 

Henry Meillant

Art et Poésie, n°121

 

 

 

 

  

petit arbre

petit arbre silencieux de Noël

tu es si petit

qu'on dirait davantage une fleur

 

qui t'a trouvé dans la verte forêt

et as-tu été fort marri de t'éloigner ?

vois        je veux te réconforter

tellement douce est ton odeur

 

je veux baiser ta fraîche écorce

et fort te serrer dans l'abri de mes bras

comme ta mère le ferait,

seulement n'aie pas peur

 

regarde        les paillettes

qui toute l'année dorment dans une boîte sombre

rêvant qu'on les en sorte et leur laisse loisir de briller,

les boules les chaînes rouges et or les fils légers,

 

lève tes petits bras

et je leur donnerai tout à te faire tenir

chaque doigt aura son anneau

et pas un seul endroit ne sera sombre ou malheureux

 

alors quand vêtu tout à fait tu seras

debout à la fenêtre te tiendras afin que tous te voient

et comme ils seront ébahis !

oh mais très fier tu seras

 

et ma petite sœur et moi par la main nous prendrons

et levant nos regards vers notre arbre tout beau

nous danserons et chanterons

" Noël Noël "

 

 

 

 

 

 

little tree

little silent Christmas tree

you are so little

you are more like a flower

 

who found you in the green forest

and were you very sorry to come away?

see       i will comfort you

because you smell so sweetly

 

i will kiss your cool bark

and hug you safe and tight

just as your mother would,

only don't be afraid

 

look       the spangles

that sleep all the year in a dark box

dreaming of being taken out and allowed to shine,

the balls the chains red and gold the fluffy threads,

 

put up your little arms

and i'll give them all to you to hold

every finger shall have its ring

and there won't be a single place dark or unhappy

 

then when you're quite dressed

you'll stand in the window for everyone to see

and how they'll stare!

oh but you'll be very proud

 

and my little sister and i will take hands

and looking up at our beautiful tree

we'll dance and sing

"Noel Noel"

 

 

 

 

 

E.E. Cummings

Poèmes choisis

traduits par Robert Davreu

José Corti, 2004

 

 

 

 

 

   Au fond des sombres, profondes, immenses, énigmatiques forêts de le Norwège, le voyageur qui se hâte entre les arbres noirs et silencieux, pressé d'atteindre son auberge, avant la tombée de la nuit, entend parfois, au détour du chemin, venir à lui une musique joyeuse. C'est le sapinson qui chante. Son tronc, ses branches, sont couvertes de plumes multicolores et sous chacune de ses feuilles un petit bec s'ouvre d'où s'élancent de délicieuses et suaves harmonies. Le voyageur s'arrête alors et remercie le Seigneur d'avoir, avec l'aide de l'Oulipo, créé cette merveille, le SAPINSON¹

 

 

    ¹ Le Bergen Snow Finch Firs Ensemble, accompagné des Petits Chanteurs oulipiens à la gueule de bois, a enregistré un choix de vieux Noëls nivernais.

 

 

 

Jacques Roubaud et Olivier Salon

Anthologie de l'OuLiPo

Édition de Marcel Bénabou et Paul Fournel

Gallimard, 2009

 

 

 

 

 

   Avant l'invention du papier qui décima des forêts entières, on écrivait parfois sur le liber du tilleul. Les mots sans doute semblaient plus doux, clairs comme les grappes que la grand-mère répand sur une toile dans le salon.

 

 

 

   Frisé de mousses et de lichens, le rouvre taillé pour des siècles donne des coups de coude dans le ciel.

 

 

 

   Il attend que passe un Noël et fait le mort tout un hiver. La neige chenue couvre ses épaules. Des aiguilles de glace pendent à ses mains gélives. Il a fermé les portes et les volets de liège, calfeutré ses bourgeons. Il s'est endormi, un écureuil et deux hiboux sur le cœur.

 

 

 

   L'arbre est la colonne vertébrale du dieu. La foudre le baptise.

 

 

 

   Avant d'abattre un arbre, les Somoris appliquent une échelle contre son tronc afin de permettre aux esprits qui l'habitent d'en descendre. D'autres peuplades ne défrichent jamais une forêt sans bâtir tout d'abord une maison où l'on dépose de la nourriture, des vêtements et des bijoux : ce sera le refuge des esprits du bois.

 

 

 

   Il y a, au pied de l'arbre, une petite église de feuilles tombées, de gazon gras et de fruits morts.

 

 

 

   Les cyprès et les ifs veillent sur le cimetière. Le rideau noir retombe derrière l'enterrement. Les aiguilles ne pleurent pas ; ce sont les insignes froids de l'éternité.

 

 

 

   La forêt au loin est une armée de hallebardes.

 

 

 

   À mesure que l'arbre croît, la vie se retire de son cœur qui se duraminise. Elle se réfugie sous l'écorce, dans la couronne claire de l'aubier.

 

 

 

   L'énorme poumon du feuillage accélère brusquement sa respiration lorsque l'arbre est blessé.

 

 

 

   Dans les profondes forêts de la mer, les oiseaux se perdent et ne chantent pas. Les dormeurs châtrent avec leurs pinces des laminaires géants cramponnés sur le fond rocheux. De grands loups argentés sont en chasse. Ici, la vie tient à un fil. Les épaves, dont les poulies ne grincent plus, sont habitées de fantômes taciturnes aux yeux de vase.

 

 

 

   L'arbre de Noël est un univers.

   On éteint la lampe : les bougies sont des astres. Les guirlandes colorées préfigurent au cœur de l'hiver la floraison future.

 

 

 

   Pauvre sapin ridicule, orné, poudré comme une cocotte. Dieu estropié des petits enfants.

 

 

 

   Silencieux, taciturne, toujours debout au-dessus de toi, tu as la charge du silence, les oiseaux ont celle de ta voix. Par toi je reviens au poème.

 

 

 

 

Jean-Michel Maulpoix

Émondes

Fata Morgana, 1986

 

 

 

 

 

 

Plus de souliers devant la cheminée.

Plus de marrons, de bûches de Noël,

Plus personne à rester les yeux levés

Chercher au ciel une étoile nouvelle.

Plus personne à parler fraternité.

Penser cadeaux et largesses éparses.

Le sapin de Noël, qui peut l'aimer

Quand on est arrivé au 25 mars ?

 

 

 

Shel Silverstein

Le bord du monde

Traduction de Françoise Morvan

Éditions MeMo, 2012

 

                  et des arbres...
   

Abricotier     Acacia    Alisier     Aloès     Amandier    Arbre à soie    Arbre de Judée    Arganier  Aubépin   Aulne    Baobab    Bouleau    Caroubier    Cactus     Cédratier    Cèdre    Cerisier    Charme   Châtaignier    Chêne    Citronnier    Cocotier    Cognassier     Cornouiller    Cyprès    Érable      Eucalyptus    Figuier    Flamboyant    Frêne    Ginkgo   Grenadier    Hêtre   Hévéa   If    Laurier    Lilas    Magnolia    Manguier    Marronnier    Mélèze    Mélia azédarach    Micocoulier     Mimosa    Mûrier-platane     Niaouli    Noisetier    Noyer     Ombú    Olivier    Oranger    Orme    Palmier    Pêcher    Peuplier    Pin    Plaqueminier    Platane    Poirier    Pommier   Prunier    Robinier    Santal    Sapin    Saule    Séquoia    Sophora    Sorbier    Sureau    Sycomore    Teck    Térébinthe    Tilleul    Tremble    Tulipier

 

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À ce jour, 1368 poètes, 3142 poèmes

et de nombreux artistes ...

Bonne lecture !

Sylvie Gaté