À Laurent Tailhade
Forêt, tu m'as menti ; sous l'ombre de tes chênes
Ne gémit plus l'appel d'un lointain olifant ;
Tu n'as pas de joyaux qu'un dragon bleu défend,
Pas de fantôme avec un cliquetis de chaînes.
Tu n'as pas de palais depuis cent ans qui dort,
Pas de lutins, pas d'enchanteurs et pas de fées !
Le vent n'apporte plus de chansons étouffées,
Avec les gloussements de la poule aux œufs d'or.
Et tu n'as même plus, bancal, aveugle, aphone,
Traînant d'un pied fourchu son poil gris de vieux faune,
Le dernier survivant des heureux de jadis !
Mais je ne t'en veux pas, malgré tout, de ton leurre
Car la nuit, je surprends, comme un de profundis,
Ta voix qui se souvient qui regrette... et qui pleure !
1908
Jean Cocteau
Poèmes de jeunesse
Le Lampe d'Aladin
Gallimard