I
Pour les époux nouveaux le lit est préparé.
Il est fait d'un noyer planté par un ancêtre
Et qui pencha longtemps son ombre sur le pré
Que la maison natale a devant ses fenêtres.
Ce noyer a vécu des ans nombreux ; il fut
Caressé par la brise et battu des tempêtes,
Le printemps a chanté dans ses rameaux confus,
Et les vents de l'hiver ont tourmenté son faîte,
Le tonnerre est tombé sur lui ; souventes fois,
L'ouragan a tordu son tronc, battu ses noix ;
Aux hasards d'un destin divers il fut en butte,
Et les jours, noirs ou clairs, ont passé sur son front
Entremêlant la joie et la peine, et la lutte,
Et tels que sur le vôtre, Époux, ils passeront.
Or, bien que, détaché de la terre sa mère,
L'arbre depuis longtemps ne soit plus qu'un bois mort
Que la main et l'outil de l'homme transformèrent,
Des jours qui ne sont plus il se souvient encor,
Et, ce soir, quand l'amour se sera fait son hôte,
Un prodige secret en lui s'opérera.
Comme au jour où, planté sur la colline haute,
Il sentait le printemps venir, il frémira ;
Un obscur renouveau réveillera sa sève,
Et, son cœur desséché redevenu vivant,
Le noyer très ancien aura de jeunes rêves ;
Les beaux jours, l'aube en fleur, les grands soleils levants,
Le pré plein de parfums étalé sous son ombre,
Les nids d'oiseaux jasant dans ses rameaux profonds,
Tous les frais souvenirs des feuillages sans nombre,
Tous les songes ailés que les bons arbres font,
Avec l'agreste odeur que le lit neuf exhale,
Reviendront voltiger dans la nuit nuptiale.
Louis Mercier
Le poème de la maison
Horvath, 1929