Enfants, vos jeunes bras ont aidé votre père À confier les buis et les pins à la terre Que nous légua l'amour de ceux qui ne sont plus. Nous planterons encor trois érables feuillus, Des houx, le romarin qu'on trouve à la montagne. Dans les soirs des longs jours, quand le moineau regagne Son asile aux cyprès d'un vol silencieux, Nous prodiguerons tous, à gestes copieux, L'eau que boiront nos plants, ombreux au clair de lune.
Aurai-je, mes enfants, cette exquise fortune De voir nos pins pareils aux beaux arbres des bois ? À leur ombre, surtout, serai-je assis parfois Parmi vous, accueillant ce qu'apporte de rêve Et d'images le vent qui murmure sans trêve Dans la haute ramure aux claires frondaisons ? Je n'ai point le secret des prochaines saisons. Mais mon cœur est tranquille à contempler l'arbuste Qui tient notre âme vive en sa tige robuste, Car vous, un jour, enfants, sous ses branches, je sais Que vous y chercherez les douceurs du passé. |
Lucien Bonnefoy
Poésie : cahiers mensuels illustrés
Février 1934