Chaque fois j'entends un peu mieux
cet oiseau qui vit solitaire
dans les branches de ma prison.
Chaque fois tout devient plus clair,
avec mon esprit bien en place,
en mon arbre où monte mon chant.
Chaque fois plus uni à moi,
mon oiseau s'épanche un peu plus
hors de mon vert qui souffre et saigne.
Chaque fois mon arbre produit,
multipliant les cris d'espoir,
plus de fruits de réalité.
Chaque fois mon oiseau se fait
un peu plus moi et, ce faisant,
plus moi fait mon arbre intérieur.
Chaque fois cet arbre, mon arbre,
entre un peu plus dans mon espace,
occupant un peu mieux ma mer.
Chaque fois, source de salut,
cet oiseau-là que je deviens
est un peu plus l'oiseau de Dieu.
Chaque fois avec tous ces plus,
cet arbre-là qui me partage
se transforme en ma liberté.
Juan Ramón Jiménez
Fleuves qui s'en vont
Traduction par Claude Couffon
José Corti, 1990
Este árbol que me parte
Cada vez oigo mejor
a este solitario pájaro
del árbol de mi prisión.
Cada vez me siento más,
con mi sentido en su centro
mi árbol con mi cantar.
Cada vez con más unión,
mi pájaro me desborda
más mi sangrante verdor.
Cada vez mi árbol da,
a más gritos de esperanza
más frutos de realidad.
Cada vez se hace más yo
mi pájaro, que me hace
más yo, mi árbol interior.
Cada vez mi árbol va
entrando más en mi espacio
cabiendo más en mi mar.
Cada vez más salvador,
el pájaro que voy siendo
es más pájaro de Dios.
Cada vez con tanto ya,
este árbol que me parte
va siendo mi libertad
Juan Ramón Jiménez
Ríos que se van
Editorial Bedia, 1974