Trois arbres tombés
sont restés au bord du sentier.
Oubliés du bûcheron, ils s'entretiennent,
fraternellement serrés, comme trois aveugles.
Le soleil couchant verse
son sang vif dans les troncs éclatés,
les vents emportent le parfum
de leur flanc ouvert.
L'un, tout tordu, tend un bras immense,
frissonnant de feuillage, vers l'autre
et ses blessures sont pareilles
à des yeux pleins de prière.
Le bûcheron les a oubliés.
La nuit viendra. Je resterai avec eux.
Je recueillerai dans mon cœur
leurs douces résines, elles me tiendront lieu de feu.
Muets, pressés les uns contre les autres,
que le jour nous trouve monceau de deuil.
Gabriela Mistral
Poèmes choisis
Rombaldi