On se tient devant les piliers de bois, rongés par le sel et l'humidité dans la nuit noire d'un hiver qui s'appuie sur ce qui peut paraître comme des totems et nous chantons, et nous crions TOTEM et nous dansons sur les embarcadères. Il semble que tout le passé glorieux de la Cité trouve sa mesure ici contre ces arbres plantés dans l'eau. Et moi aussi je crie TOTEM il ne manque plus que de grands capitaines de marine pour naviguer entre ces pilotis il est nécessaire de croire en la résurrection des morts pour vénérer ces pieux (plantés quand ? et par qui ?) une fois encore il s'agit uniquement de confiance de l'homme envers lui-même. Ces territoires ô combien modestes, je crois que les mouettes elles-mêmes s'en méfient mais à leurs manières elles chantent et chantent encore TOTEM esquissent un pas de danse en chantant. C'est cela qui tient la ville. C'est pour protéger ces troncs d'arbre que des hommes moururent. Et je dis une fois encore TOTEM je le répète même. Ce sont les géants du dessous qui pointent leur arme terrible. Ils vivent dans la vase. Ils revêtent parfois leur armure pour mieux se déplacer. Fasolt et Fafner les géants du dessous ne craignent aucun homme si fin stratège soit-il ô Seigneur Vous qui avez dit, tout dit sur toute chose, saluez ces amis que nous nous sommes faits. Moi je vous tiens par l'épaule. Je claudique. Il m'arrive même de tomber, ah ! donnez-moi la force d'être comme eux et de ne jamais accepter l'inéluctable. |
Franck Venaille
Ҫa
Mercure de France, 2009