Le poète attendit, et bientôt : « Puisqu'il se tait, me dit-il, profite du moment, parle et demande ce qu'il te plaît de savoir. »
Et moi à lui : « Toi-même interroge-le sur les choses que j'aurais à demander : quant à moi, je ne pourrais, tant la pitié m'attriste. »
Et Virgile reprit : « Si cet homme est prêt à obéir à ta parole, âme captive, qu'il te plaise de nous dire comment les âmes sont liées dans ces troncs noueux, et, autant que tu peux, dis-nous si jamais âme se dépouille d'une si rude enveloppe. »
Alors il s'échappa du tronc même un souffle violent, et ce souffle devint une voix : « On vous répondra, dit-elle, en peu de mots.
Quand l'âme, dans sa fureur, quitte le corps dont elle s'est-elle même violemment séparée, Minos la plonge au septième cercle. Elle tombe dans la forêt, n'importe où ; mais en quelque lieu que le hasard la sème, elle germe comme un grain d'épeautre. Puis le germe devient un arbrisseau, et l'arbrisseau devient un arbre de la forêt. Les harpies broutent son feuillage et de chaque déchirure font sortir une douleur.
« Pour nous aussi le jour viendra où nous irons reprendre nos dépouilles mortelles, sans pouvoir nous en revêtir : il n'est pas juste que l'homme recouvre ce qu'il s'est volontairement ravi à lui-même. Nous les traînerons ici même, et, dans la forêt sinistre, ces misérables corps resteront suspendus, chacun à l'arbre de son âme emprisonnée. » |
Dante Alighieri
La Divine Comédie
L'Enfer, livre XIII
Traduction par Jacques-André Mesnard
Amyot Editeur, 1854-1857
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Un poco attese, e poi « Da ch'el si tace »,
disse 'l poeta a me,« non perder l'ora ;
ma parla, e chiedi a lui, se più ti piace.»
Ond' ïo a lui : «Domandal tu ancora
di quel che credi ch'a me satisfaccia ;
ch'i' non potrei, tanta pietà m'accora.»
Perciò ricominciò : « Se l'om ti faccia
liberamente ciò che 'l tuo dir priega,
spirito incarcerato, ancor ti piaccia
di dirne come l'anima si lega
in questi nocchi ; e dinne, se tu puoi,
s'alcuna mai di tai membra si spiega. »
Allor soffiò il tronco forte, e poi
si convertì quel vento in cotal voce :
« Brievemente sarà risposto a voi.
Quando si parte l'anima feroce
dal corpo ond' ella stessa s'è disvelta,
Minòs la manda a la settima foce.
Cade in la selva, e non l'è parte scelta ;
ma là dove fortuna la balestra,
quivi germoglia come gran di spelta.
Surge in vermena e in pianta silvestra :
l'Arpie, pascendo poi de le sue foglie,
fanno dolore, e al dolor fenestra.
Come l'altre verrem per nostre spoglie,
ma non però ch'alcuna sen rivesta,
ché non è giusto aver ciò ch'om si toglie.
Qui le strascineremo, e per la mesta
selva saranno i nostri corpi appesi,
ciascuno al prun de l'ombra sua molesta. »
Illustration : Gustave Doré