lieu de la peur, car les arbres, fantômes d'eux-mêmes
se dédoublent, se déprennent de conciliabules secrets où
conspirait la quintessence immobile du vent cependant que
les feuillages supérieurs donnent le change, bruissent d'un
message aérien banal, le bois retient ses souffles ne les
libère que convertis en ombres animales aussi nombreuses
qu'il y a des craintes dans la respiration d'un seul homme
progressant entre les branches vives qu'il contourne en se
baissant tandis que craquent les rameaux morts sous ses pas
dans la pourriture des feuilles agglutinées au terreau et que
son haleine met en fuite toute une ramure d'ailes à peine
reconnaissables, comme une église de bois, mais plus secrète,
plus profondément religieuse d'une résonance infiniment plus
sonore que le moindre assemblage de fûts et de dalles urbains,
introduit dans le vif du silence que suscite, par sa seule présence
le fidèle, l'homme lié à son souffle par un contrat dont l'origine
recule, s'accointe avec le suspens nocturne, se diffère au contact
de feuilles invisibles comme si la singularité de chacune s'éveillait
sous sa singularité à lui, que le monde s'épelait à l'envers du bruit
Jacques Darras
La Maye
Trois Cailloux