Grands fonds de la forêt émeraude océane
Où nage un singe en feu
Où s’envole un dauphin
Dans la moiteur de rhum des jungles sous-marines
Illuminées d’orchidées carnivores épiant l’oiseau
Parmi la copulation incessante des espèces
Puisant la vie la mort en d’âcres voluptés
Fustigées de serpents.
Ici au sein de la forêt vierge de l’Origine
S’enfoncent, vaisseaux coulés dans la vase
Les temples verts des peuples du Soleil
Avec leurs statues de dieux gangrénées
Par la poussée invincible des racines des lianes
La corrosion des pluies qui effacent les traits d’un
nez d’une paupière
Tandis qu’un lézard émerge d’une bouche éclatée :
Langue s’efforçant de formuler la première syllabe
d’une vague parole.
Derrière ces façades éventrées que maintient seule
en place la fureur végétale
S’ouvrent des corridors infestés de fantômes
Des puits ensevelis où l’eau livrée à elle-même ne
cesse de se noyer
Et des salles aux murs recouverts d’écriture.
Certains signes persistent d’autres sont mutilés
Par le ruissellement de milliers d’orages.
Pourtant les mots sacrés continuent sourdement
de briller
Sur les pages-parois de ce temple aboli
Qui n’en finit pas de prier
De tout son alphabet torturé
Un dieu peut-être mort
déclassé
remplacé
parti sans laisser d’adresse
de nom
de pedigree.
Marc Alyn
Les Alphabets du Feu
iD Livre, 2002