Il y a dans le pays de la poésie une forêt très-obscure, et où les rayons du soleil n'entrent jamais. C'est la forêt du galimatias. Les arbres en sont épais, touffus, et tous entrelacés les uns dans les autres. La forêt est si ancienne, qu'on s'est fait une espèce de religion de ne point toucher à ses arbres ; et il n'y a pas d'apparence qu'on ose jamais la défricher. On s'y égare aussitôt qu'on y a fait quelques pas, et on ne saurait croire qu'on se soit égaré. Elle est pleine d'une infinité de labyrinthes imperceptibles, dont il n'y a personne qui puisse sortir. C'est dans cette forêt que se perd la rivière de la raison. |
Bernard de Fontenelle
Œuvres de Fontenelle
Tome troisième
A. Belin, 1818