Soudain du platane qu'on croyait sec et noué la feuille a surgi, et le voilà qui s'en vient tout ébouriffé de plusieurs saisons qui s'emmêlent, où les fruits desséchés pendent, pelotes vides, dans un réseau de brindilles œilletées de vert. Vertical, il va vers le ciel à coups de coudes ; et le bleu et les nuages, il les blute, jette à terre ce qu'il saisit, disperse sans le rompre ce qui le traverse. Sa peau de bête, on aime la toucher, car elle ne provoque pas l'effroi comme fait celle du serpent. Je m'étonne de lui voir des folioles si menues quand on sait qu'elles se déploieront en polygones d'une remarquable ampleur. C'est un arbre que nous avions en petit nombre chez nous. Une trentaine de sujets, tout au plus, formaient une ligne entre la Métairie et la forêt. Nous allions tous les ans les visiter, l'automne venu, pour rapporter à la maison les feuilles les plus larges que nous avions ramassées sur l'herbe et assemblées en divers bouquets tenus par de la ficelle. On les gardait dans l'ombre, accrochées à un chevron du chais, d'où on les tirait pour habiller nos fromages. |
(Jardin du Luxembourg, avril.)
Robert Marteau
Fragments de la France
Champ Vallon, 1990