Sur la route il rencontre l'Arbre des mondes aux branches de serpents qui ondulent, s'entrelacent, enivrent celui qui entre dans leur fourmillement, car au cœur de l'arbre brûle la quadruple Rose (sa chair serrée, multiple, englobante, alanguie) dont le parfum est plus inflexible que la pesée des astres sur les branches de l'Innombrable. Est-ce une image ? Il ne sait. L'image sait. Deux visages se baisent entre les branches d'une croix formée des quatre roses. Tout est ténu, prévu, inconnu, inédit, mû par des millions de bras aux mouvements aussi subtils que ceux des brises et des pluies. Il est bon de s'y fondre, d'y découvrir la beauté, la bonté de qui se perd dans la douleur de son parfum, le consentement à la dérive, en luttant avec la Force, la plongée dans la montée des métamorphoses, le tirement des mains d'ombre qui emporte le rêveur aux yeux ouverts du côté de la nuit, sous les frondaisons du firmament ruisselant de flammes mortes. Ainsi l'embrassement de l'arbre le défait, et le porte. Les pétales des deux bouches s'offrent le baiser de paix. |
Jean Mambrino
La saison du monde
José Corti, 1986