Ils sont épatants, eux, chacun
Se joignant à un voisin comme si parler
Était une représentation silencieuse.
S'arrangeant par hasard
Pour se rencontrer ce matin aussi loin
Du monde que nous sommes en accord
Avec lui, toi et moi
Nous sommes soudain ce que les arbres essayent
De nous dire ce que nous sommes :
Qu'il suffit d'être là
Pour signifier quelque chose ; que bientôt
Nous pourrons toucher, aimer, expliquer.
Et contents de n'avoir pas inventé
Tant de grâce, nous sommes cernés :
Un silence déjà plein de bruits,
Une toile sur quoi émerge
Un chœur de sourires, un matin d'hiver.
Placés dans une déroutante lumière, et mobiles
Nos jours revêtent une telle réserve
Que ces accents paraissent se défendre d'eux-mêmes.
John Ashbery
Quelqu'un que vous avez déjà vu
Traduit de l'américain par Pierre Martory
et Anne Talvaz
P.O.L, 1995
Some trees
These are amazing : each
Joining a neighbor, as though speech
Were a still performance.
Arranging by chance
To meet as far this morning
From the world as agreeing
With it, you and I
Are suddenly what the trees try
To tell us we are :
That their merely being there
Means something ; that soon
We may touch, love, explain.
And glad not to have invented
Such comeliness, we are surrounded :
A silence already filled with noises,
A canvas on which emerges
A chorus of smiles, a winter morning.
Placed in a puzzling light, and moving,
Our days put on such reticence
These accents seem their own defense.
David Hockney
A closer winter tunnel, 2006
Collection of Art Gallery of New South Wales
Sydney