Arbre envahi de langage...
mais le temps meurt et renaît chaque fois.
Chaque parole ajoute un vert.
Arbre envahi de saisons.
On ne parla plus pendant longtemps d'une Amérique. Elle digérait ses
guerres, la couleur noire, des maisons dans leur mort.
Des arbres seraient-ils venus sans remuer ni paroles ni paysages ? Les
poèmes naissent c'est vrai dans le vert du silence et sont tranquilles près
de la peur.
Prolonger l'écriture après avoir apporté le vert dans les arbres.
(Sait-il ce qu'il veut dire dans son grand mouvement, son impatience
— il appareille, ah ! je le sais ! des prairies des poètes ? et qu'importe ?)
Arbre envahi de vent
(un enfant l'a suivi, l'a rêvé — quelles batailles ! et des forêts de géants !
Sera-t-il mort au bord de l'arbre ?)
Il n'y a peut-être pas tant d'évidence dans les arbres. Il faut parer l'écri-
ture — inventer, regarder que je viens d'un pays d'arbre et de langage.
Quelques grands marmonteaux mesuraient les courtes plaines.
Avec la couleur de l'ombre et de la lumière.
au fond du jour, au fond du monde ouvert et fermé, à genoux dans les
prairies et les yeux dans les pissenlits,
au fond du jour, au fond des phrases, au fond du foin avec la couleur
de la lumière et la couleur des phrases, la couleur de l'ombre,
au fond des faïences des pendules,
au fond d'un livre avec la couleur du jour,
au fond du monde avec la couleur des arbres.
L'arbre pur parle d'un arbre,
parle de l'arbre
ouvre le monde et meurt,
la naissance envahit les rivières.
James Sacré
Cœur élégie rouge
André Dimanche Éditeur, 2001