Ne croyez l'arbre de bois :
sous l'écorce, dans le feuillage
l'ENCHANTEUR habite trois !
Que d'un arbre ôtiez le vitrage
il a fable de poisson
fable de dieu, fable d'orange
— déterrant soudain le Son !
Immobile, non — il s'échange
étant fait du sang d'oiseaux,
car l'oiseau n'y pose : c'est l'arbre
qui le forme de ses os.
Savez-vous pourquoi l'air s'y cabre,
s'y recroquevillent l'eau
et la peau mousseuse et la palme :
à l'interne, l'arbre est chaud.
L'arbre crée l'oreille et la flamme,
il ne fond pas dans le feu !
Vous pensez qu'il dort : il attire
la subtilité du jeu ;
à l'entour, la tête s'inspire,
— l'arbre hante, il n'ombre pas !
Le coupant, coupez qui vous mue,
mettant le soleil en bas
et la lune sous la tortue.
Regardez : l'arbre se fend
quand il invente un corps de femme.
Arbre doux et transparent,
il mûrit et rame dans l'âme.
Touchez-le : ce n'est que Mots
de la sève spirituelle !
Par d'étranges animaux
l'arbre mord — il mange la moelle
que vous n'espériez qu'à vous.
Arbre amoureux, arbre fluide
voyez comme il tient debout
sur cette bouche morte et vide !
Jean-Claude Renard
Fable suivi de
Dits d'un livre des sorts
Le Taillis Pré, 2001
Magritte
La voix du sang, 1961