La grande forêt de Rhuys, celle qui du temps de saint Gildas recouvrait entièrement la presqu'île, celle qui encore du temps des Ducs abritait des loups, des ours et des daims par centaines, la Sylve primitive est en train de mourir. Déjà le bois de Coët-Ar-Scoufle, entre Brillac et le Net a complètement disparu et ce qui reste des grands parcs ducaux est attaqué de toutes parts, par les manants qui coupent les baliveaux, qui mènent paître leurs troupeaux, par les seigneurs locaux qui augmentent un peu leurs maigres revenus en organisant des abattages clandestins, par les moines de Rhuys qui disposent toujours du privilège de coupe sur les « forêts du Roy en île de Rhuys ». Les grands bois se réduisent d'année en année comme une peau de chagrin.
Au début du règne de Louis XIV, la forêt comprend encore 2000 arpents. Elle est régie par la Maîtrise des Forêts royales de Vannes, qui administre aussi le massif de Lanvaux et les deux parcs boisés de Lestrenic et de Locual ; mais que peuvent faire les fonctionnaires devant l'agression générale ? Le Grand Maître, Pierre, tentera vainement de faire procéder au repeuplement de quelques 400 arpents, mais faute d'une surveillance efficace, le projet devra être abandonné. Et le 10 Novembre 1685, le roi ordonne la coupe définitive de la forêt de Rhuis à raison de 30 arpents par an. Bientôt derrière les grands murs de pierre, élevés jadis par Jean Le Roux, meurent les grands chênes, les ormes centenaires... |
Yvon Mauffret
Rhuis, Chronique d'une presqu'île
Éditeur J. Thebert, 1990
Jacotte Mauffret