Marronnier vil arbre qui cache le cerisier blanc
marronnier vil arbre qui cache le printemps
tu es plus noir que les lierres effrayants
qui sont le deuil des villages
Que comprends-tu de l'avril
le bocage encore clair n'est qu'une grande famille de verticales
la lumière toute neuve se félicite de sa pureté retrouvée
et sa première idée
c'est tout simplement de courir sur le monde
Le promeneur se réjouit de la transparence des haies
les villages se découvrent à portée de voix
marronnier
le printemps c'est l'affaire du soleil
la couleur encore n'est point née
le chêne pour qu'on s'en souvienne a gardé
son feuillage d'automne
la lumière après-midi piquera sa tête dorée
d'un rayon plus mélancolique
et la pensée nous est revenue
dans la rousseur orangée des frondaisons passées
ô les miroirs du printemps
le combat de vert et du blanc
le sureau à ce jeu-là n'a jamais rien gagné
et l'aubépine marronnier
déjà l'aubépine trahit le printemps
elle sera la clé perdue des haies fermées de l'été
toi
tu es d'une autre nature
arbre épais et sombre
mémoire des parcs et des jardins qui donne
l'automne au mois d'août
marronnier vil arbre
marronnier dinde
Claude Savary
Poésie 1, n°73
Le cherche-midi éditeur