À ma famille disparue
Où qu'il soit, un saule est un saule...
Que tu es beau dans le givre et la lumière, saule d'Alma-Ata.
Mais si je t'oublie, maigre saule de la rue Rozbrat,
puisse ma main se dessécher !
Où qu'elle soit, une montagne est une montagne...
Devant moi Tien Shan vogue dans les mauves,
lumière mousseuse et couleurs vernissées pâlissent et disparaissent.
Mais si je t'oublie, distant sommet des Tatras,
Potok Bialy où avec mon fils je rêvai à des voyages enchanteurs
bénis par le silencieux sourire de notre bonne logeuse,
puissé-je être pétrifié en rocher de Tien Shan !
Si je vous oublie
Si je t'oublie, ma ville natale...
Nuit de Varsovie, pluie et tempête
... sous la porte, le mendiant tend la main
le chien a déchiré sa robe...
Dors, petit André...
Endeuillé j'agite les bras tel un saule pleureur polonais...
Si je vous oublie,
lampadaires à gaz de la rue Żurawia, stations de mon amoureux tourment,
cœurs lumineux blottis dans la sombre pudeur des feuilles
murmure bourdonnement et pluie, cliquetis d’un fiacre sur le pavé
et douce aube aux ailes d’or…
Si je t’oublie, Varsovie combattante
Varsovie écumante de sang, belle de tes fières tombes…
si je t’oublie…
si je vous oublie…
Aleksander Wat