Immobiles, debout, les pins contre le ciel
Où prélude le soir, alourdi de nuages.
Ils sont tous alignés, sentinelles muettes ;
Leurs rameaux les plus bas vous éraflent la terre
Là où leurs racines plongent profondément,
Leurs cimes d'un élan dressées vers les nuages.
Que leur tronc est énorme, énormes leurs racines !
Mais le haut s'amincit : on dirait un estoc
Qui voudrait transpercer de part en part l'espace.
Oh, dans le crépuscule, immobiles et beaux,
Ils voudraient s'évader, ces pins, mais ne le peuvent
S'évader et partir vers la grève et la mer,
Devenir des radeaux, flotter et naviguer
Sur la houle des mers et sur leurs bleuités !
Ou, métamorphosés en hélice et en aile,
Monter, toujours monter et par-delà le ciel
Traverser d'autres cieux, découvrir des étoiles.
Les pins souffrent, rivés à ce sol nourricier
Qui fait d'eux néanmoins des captifs éternels.
Ils souffrent sans avoir ni la voix ni le cri
Ni les pleurs pour clamer leurs souffrances muettes.
Moi aussi, je connais un homme entre les hommes
Qui se tait mêmement, mais ne pourra jamais
Arracher sa racine : en vain il se tourmente.
Ada Negri
Poètes d'Italie
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