Veilleurs de jour, debout sur un jarret,
Troncs en forme de foudre et fronts de cendre,
S'offrant aux coups, s'ouvrant pour se défendre
Et souriant à l'éternel arrêt
Qui les accable et s'acharne à les fendre.
Clairs pénitents qui fouillent leurs remords,
Tirent au jour le nœud de leurs viscères,
Cherchent le vif sous l'écorce sincère
Et du tison traitent si bien l'ulcère
Qu'amour y brûle en son masque de mort.
Vainqueurs vaincus liés du haut en bas
Gardant pour eux cette fureur de sage,
Et vers autrui ne tournant que l'image
De la gloire conquise à ce combat :
Le courageux sourire du visage.
Vois, le martyre a raccourci leurs bras,
La chair des flancs qui jadis éclatèrent
Montre le cœur qui mâche de la terre,
Ou bien durcit sur d'antiques cratères :
Car ton désir, homme, aussi s'éteindra.
Mais leurs moignons relèvent comme une arme
Le rameau blanc toujours changeant, toujours
Égal, et les saisons en font le tour,
Mais sensible à la brise, et où le jour
Met des joyaux et la lune des larmes.
Verdures d'au-delà sans éclats verts,
Sans éclats d'or et sans vitraux de fibres,
Sans fraîcheur, sans bourgeons, et sans hiver,
Et qui, miroir céleste et harpe, vibrent
Du bonheur continu de leurs revers.
Routes de Toscane, 1934
Lanza del Vasto
Le chiffre des choses
Denoël, 1972