Ils ont langui de solitude, braves l'étant toujours,
Même dans le vent qui gèle, eux qui ne gèlent pas.
À les regarder, nous avions soif, et c'est peu dire
Qu'ils étaient blancs. La crème de nos bûches
De Noël les enflammait comme un coulis
De fruits glacés. Ils donnaient à nos palais
Des saveurs d'absence, comme au creux
De la nuit tremble l'espérance.
Les bouleaux activaient le sommeil en nous.
Leurs branches caressaient des appels
Langoureux. Ils domptaient la clarté propice
Aux âmes, aux chambres : à présent
Le silence habite le clavecin, leur murmure.
L'oreille est devenue une telle science :
En elle des pensées moutonnent jusqu'au soir.
Que serait notre vie si la nuit ne venait délivrer
Notre regard ? Et que seraient devenus nos sens
S'ils devaient toujours croître sous le manège
Des bouleaux ? Claires, ce sont cependant
Des pensées dont l'ire nous en impose.
C'est ainsi que nous apprenons nos limites.
En même temps, ils dopent nos faibles moyens.
Nous gouvernons bien des provinces, debout
Dans l'énigme des fleurs, le secret du jardin.
Nimrod
J'aurais un royaume en bois flottés
Anthologie personnelle, 1989-2016
Gallimard, 2017