Les arbres qui pouss'nt dans les squar's,
Trist's, mal foutus et rabougris,
Ce sont les frangins des clochards,
Y z'ont pas droit au Paradis.
L' bon Dieu leur marchande l' ciel bleu,
La terre leur est chich'ment donnée,
D' l'air y n'en ont jamais qu'un peu...
Y sont noirs d' poussière et d' fumée.
Quelqu' fois pendant les soirs d'hiver,
On dirait des épouvantails,
Quand y grinch'nt difform's et d' travers,
Forêt qu'est poussée au détail.
Leurs pauvr's bras maigr's et torturés
Ébauch'nt sous les coups du vent ivre
De grands gestes désespérés
Comm' pour implorer le droit d' vivre.
Y rêv'nt sur des jardins chétifs
Où pousse un jaune et rar' gazon,
Aux vrais arbr's qui sont pas captifs
Et qu'ont pour eux tout l'horizon.
Faut-y qu' la sève ell' soit tenace
Pour faire éclater leurs rameaux,
Quand vient l' moment où l' printemps passe
Et qu' les coupl's d'amoureux s'embrassent
Sur les bancs et près des jets d'eau.
Alors en dépit du ciel blème,
Des maisons sal's, des trottoirs gris,
Y trouv'nt moyen d'êtr' beaux quand même
Et d' mettre un peu d' joie dans Paris.
Gaston Bourgeois
Revue Art et Poésie
n°121, janv. 1988